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Albane Navizet –Ma vie à Hollywood

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Je suis devenue photographe du jour au lendemain… par « accident », pendant l’été 1978 à Paris. J’avais exercé les métiers de modèle et d’actrice pendant quinze ans. Le mannequinât était fini pour moi, et le monde du cinéma était assez incertain. Alan, mon mari de l’époque, m’avait offert un appareil Nikon en cadeau. Je commençais à l’utiliser en pensant tuer le temps entre deux rôles, mais la photographie est instantanément devenu une passion.

De mes années passées, en face de l’objectif, j’avais appris deux ou trois choses des bons… et des mauvais photographes pour lesquels j’avais posé : je pouvais sentir la différence entre une lumière somptueuse ou inexploitable, et les meilleurs photographes avaient toujours su me mettre à l’aise.

Alors que je ne savais pas faire grand-chose à part charger ma pellicule, mon voisin d’en face, un directeur artistique de Young & Rubicam, me donna ma première mission, une campagne de publicité, pour laquelle je photographiais maris et femmes, pères et fils ou filles, dans les stations-services de l’arrière-pays français. Mes portraits les faisaient ressembler à des stars de cinéma ! Ensuite, j’osais présenter mon travail de débutante au magazine ELLE français, et je commençais à faire des portraits de célébrités toutes les semaines. C’est là, sur le tas, que j’apprenais mon métier aussi vite que je le pouvais.

Je me suis installée à Los Angeles en 1980 et je suis tombée amoureuse de la ville. Plus que le proverbial « American dream », c’est le rêve californien, ou le mode de vie californien qui est si attractif pour les Européens, et pour moi. Il y a deux endroits que je me considère comme chez moi : L.A. et Paris.

J’ai commencé à photographier une star après l’autre. Tout en continuant d’assimiler la technique, j’ai appris à travailler très vite et à me fier de plus en plus à mon intuition. À ce moment-là, et , encore maintenant -, j’ai utilisé le plus souvent des lumières et des décors naturels, et mon but a toujours été de capturer la beauté, la sensualité et l’intimité de mes sujets.

J’ai photographié Jack Nicholson, pour Paris-Match, chez lui à Aspen, dans le Colorado, où j’étais invitée pour une nuit. Le matin, Jack se réveilla étonnamment aussi tôt que moi. Nous étions tous les deux en pyjamas et nous nous sommes assis sur son canapé pour boire du thé. Ses chiens ont lui ont sauté dessus et, à moitié endormie, j’ai dit, « ça ferait une belle photo »… Il dit : « Prenez-la ». J’ai attrapé mon appareil, trop heureuse qu’il ne me dise pas « Laissez-moi d’abord arranger mes cheveux » – ou quelque chose du même genre ! Ce fût la meilleure photo de cette journée.

La deuxième fois que j’ai photographié Gene Hackman, il est venu avec sa fille, en lui disant de m’observer et d’apprendre. Elle étudiait la photographie. C’est un moment de ma toute jeune carrière dont je me rappelle encore avec fierté.

L’une des satisfactions que je retire de mes années à travailler en lumière naturelle/lumière du jour est mon émerveillement toujours grandissant face au spectre infini qu’elle peut déployer. Il y a quelque chose de magique dans ces rayons qui soulignent la beauté ou jouent avec elle.

Cela demande également bien plus d’efforts qu’il n’y paraît, de créer ce qui ressemble à un cliché improvisé. J’ai appris très tôt à les favoriser en jouant avec la garde-robe, les poses, les directions et mes encouragements. Je dérange les coiffures et je déboutonne les chemises. Je distrais mes sujets de la conscience ou de l’image qu’ils se font d’eux-mêmes, afin de capturer un éclat de leur aura. Souvent, je les fais rire…Quand ils me voient arriver avec le petit sac contenant mon appareil, et mes deux réflecteurs, je sais qu’ils se disent, « Pas de spots ? Pas de décor ? » En général, ils apprennent à ce moment qu’il n’y aura qu’eux, et moi, et la lumière du jour qui passe.
« Ed, ça te plaît de porter cette chemise en jean pour le shot ? » – « Je ne sais pas, dit Ed Harris, vous voulez choisir quelque chose d’autre ? » – Dans son placard, pendue à un clou, il y avait cette magnifique chemise élimée – « Celle-ci ? », je demandais – C’était sa favorite – et son humeur s’est totalement transfigurée.

Je ne sais pas si j’aurais eu la même carrière si j’étais restée à Paris. Hollywood, bien sûr, peut parfois être lourd de complications, de désappointements, de changements. Mais j’ai été chanceuse – et très entêtée. J’ai photographié ceux que je désirais capturer, et quand je regarde mes archives, je suis à la fois étonnée et reconnaissante.

Je suis restée fidèle à moi-même, et à mes origines françaises…Pendant que je travaillais avec Andie MacDowell dans son appartement à New York, une petite pluie a commencé à tomber. « Andy, pourquoi ne pas enfiler de la lingerie chic avec un imperméable par-dessus – ce serait tellement sexy ». Elle le fit et ferma les yeux, naturellement sensuelle. François Truffaut aurait approuvé, je pense.

J’ai aussi reçu un cadeau important et unique : mes deux parents étaient sourds.
J’ai appris auprès d’eux à ne jamais regarder sans voir.

Albane Navizet

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