Rechercher un article

Akiko Takizawa –Over the Parched Field

Preview

Caché derrière la façade de stuc anonyme d’une villa de l’Inner Circle du Regents Parks, la première exposition solo d’Akiko Takizawa, qui se tient à la fondation Daiwa à Londres, est pourtant tout sauf impersonnelle. En fait, les images de Takizawa sont des compositions très subjectives, chargées en émotions, et contenant pourtant en leur sein une étrange distance et une certaine noirceur, ce qui n’est pas si surprenant quand on sait que son motif principal, qui inspire tout son travail, est la mort.

Takizawa a connu une near-death experience (expérience de mort imminente) à l’âge de 12 ans, et elle a puisé une inspiration documentaire dans une série de faits divers tragiques qui ont tous un rapport avec la mort. Elle a produit sa dernière série, réalisée expressément pour le show, à Osorezan, dans la région d’Aomori, au nord du Japon : son nom signifie « montagne de la peur », c’est un endroit où les parents et amis de disparus peuvent venir communiquer avec eux par l’intermédiaire d’un médium. Elle est exposée aux côtés de Headland (2007), une série antérieure qui est peut-être la plus facile à appréhender de l’exposition, avec des paysages sombres qui révèlent le talent de composition formelle de Takizawa et donne au spectateur un point d’entrée pour ses compositions plus complexes, à l’équilibre délicat.

En 2005, apprenant que des parents avaient abandonné leurs enfants au sommet d’une montagne enneigée, Takizawa a fait une sorte de pèlerinage sur place. Reconstituant un détail particulièrement tragique de cette histoire, les parents regardant leurs enfants mourir à la lumière des phares de leur voiture, Where We Belong (L’endroit auquel nous appartenons), est un hommage posthume à ces enfants morts, capturant des adultes effrayés pris dans un halo de lumière au sodium, miniaturisés et isolés au bas de la photo, autrement envahie d’une rafale de flocons tourbillonnants, ressortant en blanc sur le fond noir. C’est une photographie menaçante et pourtant fascinante, réussissant à rester tendue sur l’étroite ligne entre tendresse et violence. Elle donne une certaine teinte au reste de la pièce où, sur le mur opposé, la composition abstraite de clichés grand format à expositions multiples Senbazyru-Sakuran (2004) évoque du verre brisé et des émotions explosives. Cette dernière est présentée entre deux pièces doublement exposées en deux tons, Magnolia (2004) et Father – Sakura no.1 (2006), plus calmes, fortement imprégnées par la couleur bleue, où la prédominance du ciel semble d’une certaine manière nous rappeler d’être plus attentifs, et de nous préoccuper de nos aînés.

Mais dans cette exposition, ce sont les aînés qui continuent de se soucier de leurs enfants : dans la série Wedding up in Heaven (Mariage au paradis, 2011), Takizawa photographie les mariages spectraux que les parents endeuillés organisent pour leurs enfants morts. Cadrant des autels et des fragments de portraits de jeunes adultes morts dans la fleur de l’âge, Takizawa semble s’identifier avec ses enfants disparus et leurs parents inconsolables, s’installant à la lisière de cet espace intime entre la vie et la mort avec son appareil. De fait, le travail de Takizawa tourne autour de la mort comme un papillon de nuit vole près de la lumière, dansant dans son périmètre et pourtant s’en distanciant – l’appareil est à la fois un médium et un bouclier, une manière de se protéger au moment de s’engager dans le monde. Elle fabrique de grandes abstractions, mais également des scènes figuratives qui valent comme invites, comme Tereso, un travail de 2003, où les sujets nus minuscules dansant par la grâce de la double exposition font penser aux fées de Cottingley, et le paysage campagnard nous évoque un pays magique disparu depuis longtemps. Ce sont des images ludiques, et dans le même temps, lugubres.

Takizawa écrit : « Je sens que mon appareil agit comme une antenne – pour recevoir les signaux transportant des messages urgents de vies et d’objets disparus qui remplissent l’espace autour de nous. Je pense que c’est le soupir désespéré de la mort qui me pousse à prendre des photographies, et me permet de continuer à vivre. » La lumière et l’obscurité, les corps fantomatiques en bordure de cadre, les sombres fragments dansant sur sa surface, les éclairages diffus, les expositions, sont presque toujours multiples dans le travail de Takizawa. C’est sa croyance en la réincarnation qui explique l’usage de la lumière dans son travail, et alors qu’elle nous emmène dans un voyage à travers la mort, flirtant avec les limites de la vie, il est difficile de rester insensible à ce travail gracieux, plein de sens et de poésie, dissimulé derrière sa façade anonyme.

Anne Bourgeois-Vignon

Akiko Takizawa, Over the Parched Field
Jusqu’au 1 Mars 2011

Daiwa Anglo-Japanese Foundation
13/14 Cornwall Terrace
London NW1 4QP
Monday-Friday, 9.30am – 5.00pm

Merci de vous connecter ou de créer un compte pour lire la suite et accéder aux autres photos.

Installer notre WebApp sur iPhone
Installer notre WebApp sur Android