À l’occasion des 40 ans de cette collection emblématique, Géraldine Lay, éditrice pour la photographie et l’art contemporain chez Actes Sud, revient pour nous sur cette longue aventure lancée par Robert Delpire.
Géraldine Lay, vous avez repris la direction de Photo Poche en 2019, quel a été votre parcours jusque là ?
À la sortie de l’école de photographie d’Arles, j’ai fait une formation professionnelle aux métiers du livres par laquelle je suis rentrée en stage aux éditions Actes Sud. À l’époque le département arts et photographie était tout petit. Il était dirigé par Jean-Paul Capitani qui était épaulé par un fabricant. En tant que stagiaire je travaillais comme assistante de ce fabriquant et je suis finalement restée chez Actes Sud, où pendant vingt ans je me suis occupée de la production, métier qui m’a appris beaucoup. Au départ de Benoit Rivero, on m’a proposé le poste d’éditrice. Je m’occupe donc aujourd’hui de la photographie et de l’art contemporain, ce qui inclut la collection Photo Poche.
Racontez-nous l’histoire de Photo Poche ?
Pour parler de Photo Poche j’aime revenir à cette période où Jack Lang était ministre de la Culture et a apporté des changements toujours essentiels aujourd’hui. Je pense notamment au prix unique du livre, à la création de l’École de la photographie à Arles ainsi que du Centre National de Photographie dont il propose à Robert Delpire de prendre la direction. Delpire a eu cette idée géniale de créer une collection de poche sur la photographie et de rendre ce medium accessible au grand public. Il est incroyable de se dire que les premiers numéros se sont vendus à des milliers d’exemplaires.
Quelle est pour vous la force de cette collection ?
Nous partons du principe que Photo Poche est un outil, utile aux amateurs comme aux spécialistes. Chaque ouvrage permet de traverser l’œuvre d’un auteur, de découvrir son travail et son histoire de manière exhaustive en quelques pages. D’un autre côté, il y a aussi un regard critique puisque nous faisons systématiquement appel à un spécialiste pour écrire un texte sur le photographe, qui soit facile à lire. Par exemple pour le numéro dédié à Sophie Calle, Clément Chéroux a rédigé un essai qui pour moi constitue un des très bons textes sur son œuvre. Je suis fière que l’on ait à chaque fois une pièce qui soit un excellent texte critique tout en restant accessible.
Y a-t-il un rayonnement international de Photo Poche ?
Il faut savoir que la collection est traduite en anglais et éditée par la maison Thames and Hudson depuis bientôt vingt ans. Nous avons également collaboré avec plusieurs pays. Les éditions italiennes Contrasto de Roberto Koch ont été les premiers et ils souhaitent redynamiser également leur collection en changeant leur charte graphique. Il y a eu une version espagnole chez Lunwerg qui s’est arrêté au rachat par Planeta mais aussi des allemands, des japonais, des brésiliens. Aujourd’hui, l’ambition est de retrouver ce rayonnement à l’international en renouant avec des éditions étrangères au delà des anglais et des italiens. Je rentre tout juste de la Foire de Francfort…
En reprenant Photo Poche, quelle direction avez-vous voulu prendre ?
Je suis arrivée au moment des dernières étapes du projet Femmes Photographes, un coffret de trois volumes, consacré à l’histoire de la photographie revue à travers les femmes. C’était ma première mission sur ce poste et j’aimerais continuer dans cette direction en rééquilibrant au fur et à mesure la parité de la collection. Le premier titre que j’ai publié est Helen Levitt.
Au-delà des femmes, y a-t-il d’autres photographes qui ont pu manquer de visibilité et que vous voudriez mettre en avant ?
Bien sûr, je vais ouvrir davantage la collection aux autres continents que ceux américains et européens, mais même en Europe il reste beaucoup de chose à aller chercher, notamment du côté des pays de l’est. J’aimerais me tourner non seulement vers des photographes que nous n’avons pas encore publiés, et la liste est longue, mais également vers des individus qui ont pu utiliser la photographie d’une autre manière. Les pratiques alternatives enrichissent l’histoire de la photographie. Ces pratiques sont d’ailleurs au cœur des questionnements de la photographie contemporaine en ce moment.
Photo Poche célèbre ses quarante ans avec une nouvelle identité graphique. Pourquoi un tel changement ?
Même si Photo Poche a ses fidèles et ses collectionneurs et est toujours très présente en librairie, il y a eu un certain ralentissement dernièrement. Nous avions le sentiment que la collection avait besoin de revenir à son ambition de départ, à savoir d’être accessible et populaire, et de renouveler son public en touchant notamment un lectorat plus jeune. Nous avons donc décidé de repenser la charte graphique qui a été confiée aux graphistes Wijntje Van Rooijen et Pierre Péronnet. Avec eux, nous avons travaillé à rendre la lecture des Photo Poche plus agréable, en allégeant les informations sur la couverture, en optant pour une typographie plus claire ainsi qu’un fond blanc pour laisser respirer les images. Le dernier grand changement concerne le nom du photographe qui a pris bien plus d’importance que sur les anciennes éditions.
Quelles sont vos envies pour les prochains numéros ?
J’ai une liste assez longue. Je travaille déjà sur plusieurs titres : Dolorès Marat, Issei Suda, James Barnor et Susan Meiselas ainsi que Bernard Plossu qui, étonnamment, n’était pas encore dans la collection… Concernant les grands monuments de la photographie française, il y a encore quelques oublis à rattraper.
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Photo Poche par Actes Sud