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Yutaka Sakano – Jean-Michel Basquiat – fotofever Paris 2018

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La Galerie Patrick Gutknecht présente un ensemble de portraits jamais exposés de Jean-Michel Basquiat réalisé en 1983 à Tokyo par le photographe japonais Yutaka Sakano.

C’est deux ans après la reconnaissance américaine de son oeuvre, à l’occasion d’un voyage de Jean-Michel Basquiat à Tokyo, que Yutaka Sakano passe une journée en studio avec le jeune artiste pour une séance de mode commandée par un créateur japonais.

Le temps de la séance est celui d’une journée. Il est donc court.

Et lorsque que l’on découvre ces images on y trouve pourtant toute la richesse et la générosité d’une implication professionnelle et personnelle : on y ressent la joie, la complicité, le dynamisme, le jeu et le plaisir.

Les tirages exposés sont des tirages argentiques réalisés au Japon.

 

«Un jour de juillet 1983, je reçois un appel téléphonique de Midori Kitamura, l’assistante d’Issey Miyake qui s’occupait des relations presse à l’époque. Elle me dit qu’un jeune artiste nommé Basquiat, devenu une sensation à New York, vient au Japon, et elle me demande si je pouvais le photographier pour un magazine de mode pour hommes.

Je réserve immédiatement le studio n°8 au sous-sol du Studio Azabu, qui n’existe plus aujourd’hui. Le jour du shooting, je charge dans ma voiture une toile de fond faite à la main et me rends au rendez-vous dans la bonne humeur. C’est la première fois que je rencontre Basquiat. Je ne sais rien de lui. Il a l’air d’un jeune homme formidable. Il prend l’initiative lors du shooting, improvisant toutes sortes de poses. C’est également la première fois qu’il me rencontre, et nous ne parlons pas la langue l’un de l’autre, devant opter plutôt pour la communication par gestes. Il fait de son mieux pour se conformer aux directives données par le photographe japonais que je suis. Même si les photos sont destinées à la publication en couleur, je prends toujours des photos en noir et blanc pour mon propre usage. Et si je trouve le sujet particulièrement intéressant, nous ferons tout le shooting ainsi.

Dans l’atelier, Basquiat trouve une boîte de peinture blanche utilisée pour peindre le cyclorama. Il y trempe un pinceau et le tient devant son visage, tout en éclaboussant la peinture un peu partout. Cela surprend tous ceux qui assistent à la scène. Chaque fois qu’il répète le mouvement, sa veste en cuir reçoit un peu plus de peinture. Après un certain temps, Midori crie son indignation, car à l’exception des jeans et des mocassins qu’il portait auparavant, tous les vêtements pour le shooting sont gracieusement prêtés par Issey Miyake. Ses jeans et ses mocassins sont déjà éclaboussés de peinture, dont les couleurs que l’on retrouver dans ses tableaux. Il semble avoir sauté directement de son loft new-yorkais au studio de Tokyo.

Je crois me souvenir que Basquiat a ramassé des objects qu’il a trouvée dans le studio et les a utilisés de manière toute personnelle et fascinante pour ce shooting. Âgé de 22 ans à l’époque, Basquiat avait encore des traits enfantins et son sourire traduisait le regard malicieux de la jeunesse. Son art reflète le même esprit pur et innocent.

Dans les années 1980, je me rendais parfois à New York, soit pour le travail, soit pour mon propre compte. J’étais dans la trentaine et pouvais à l’époque sans problème passer toute la nuit en boîte avant un shooting le lendemain. Dans un club de Manhattan, Keith Haring était tout près de moi, dansant joyeusement avec de jolis garçons en cercle. L’aspect de la culture new-yorkaise qui m’a fortement frappé la première fois a été de voir des photos nonchalamment exposées dans un couloir de la boîte de nuit Palladium. L’une d’elles était une photo au flash d’Andy Warhol, prise de face en descendant un escalier en acier sous terre, et l’expression qui se lisait sur son visage était inoubliable. Une autre montrait un plan aérien de Fidel Castro donnant un discours sur une place cubaine avec tant de gens entassés que leurs têtes ressemblaient à autant de pointes allumettes. Il y avait également d’autres photos d’une intensité rare, exposées de manière tout à fait désinvolte.

L’exubérance démontrée par Basquiat à Tokyo semble refléter une année 1983 vécue comme un âge d’or pour lui. Débordant de talent, Basquiat lui-même – et non seulement ses peintures – était devenu un point de mire dans le monde de l’art.

Prendre des photos, dans un sens, c’est faire face à la mort. Vivre, c’est mourir, et mourir, c’est vivre. Quittant ce monde à l’âge de seulement 27 ans, Basquiat a atteint le succès et la célébrité à la hâte. Peut-être qu’il devait le faire. Peut-être n’en avait-il pas le choix. Peut-être sentait-il qu’il n’avait d’autre choix… »

Yutaka Sakano

 

www.gutknecht-gallery.com

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