La Pierre n’est pas la Pierre
Cette série émerge d’une époque d’inertie et d’isolement, où les jours se mélangent, les émotions sont étouffées et le fossé entre une femme et son monde extérieur se creuse. Longtemps attachée à la domesticité et soumise à ses rituels, elle peut se trouver encore plus apaisée et diminuée.
La stabilité de la photographie semble se prêter à capturer ce sentiment. Et pourtant, quand je lève mon appareil photo vers mon sujet – pour capturer son image, ou un morceau d’elle, ou même juste sa suggestion – je la trouve en mouvement malgré son air d’attente. En ce moment où il ne semble pas y avoir d’avenir, elle aspire à un autre âge. Et ainsi, elle se souvient du passé, invitant ses histoires à s’imposer. Ou, face aux difficultés apparemment immuables de sa réalité, un petit geste parvient à la toucher et à déclencher une croissance des sentiments. Un instant de passion contient une éternité d’expérience.
Les femmes que j’ai trouvées ici, dans l’isolement silencieux du confinement, ne sont pas aussi inactives qu’elles le craignent. Elles persistent vigoureusement dans un espace intermédiaire: ce chevauchement liminal où leur situation de vie rencontre leurs rêves et leurs peurs. Qu’elles combattent en interne pour la vie ou pour l’oubli, elles sont résilientes dans leur combat. Aspirant au changement, leur désir est un acte. Exister d’un instant à l’autre, ce n’est pas être statique; c’est plutôt l’action même de la survie.
« La pierre n’est pas la pierre »
Il fut un temps où la pierre était la pierre
Et un visage dans la rue était un visage fini.
Entre la chose, moi et Dieu seul
Il y avait une symétrie instantanée.
Depuis que tu as changé tout mon monde, cette trinité est tordue:
La pierre n’est pas la pierre
Et les visages comme les personnages fractionnés dans les rêves sont incomplets
Jusque dans le visage insignifiant de l’enfant
Je reconnais vos yeux exilés.
Le soldat monte l’escalier éblouissant laissant votre ombre.
Ce soir, cette pièce déchirée dort
Sous la lumière des étoiles pliée par toi.
Poème de Carson McCullers