En tant qu’ancien président du World Press Photo Contest, je suis attristé et profondément troublé par certains des résultats et les répercussions du concours de cette année. Chaque année, sans exception, il y a toujours une controverse entourant la World Press Photo of the Year et d’autres gagnants. C’est la nature de notre activité. Nous avons tous des goûts, des valeurs et des principes différents lorsqu’il s’agit de photojournalisme, sur lequel ce concours est fondé. Et une discussion “saine” est exactement cela… saine.
Mais cette année, peut être en raison de la facilité et de la valeur ajoutée placée dans les médias sociaux, le concours, les résultats et la “justification” de reconnaissance méritoire des gagnants qui a suivi ont atteint un niveau de calomnie inégalé. Cela n’est PAS sain.
C’est donc avec un profond respect que je dois, en bonne conscience, exprimer mon opinion concernant certains des résultats et les communiqués de presse post-résultats.
Premièrement : bravo pour avoir récompensé l’image de Mads Nissen sur l’homosexualité en Russie, la World Press Photo of the Year. http://www.worldpressphoto.org/awards/2015/contemporary-issues/mads-nissen. La reconnaissance est une courageuse affirmation “politique” concernant un problème important auquel la société fait face aujourd’hui. Mais laissez-moi tempérer cette excitation avec une “mise en garde” selon laquelle les juges devraient utiliser leur plus grande retenue professionnelle pour garantir que le concours est jugé selon des mérites photographiques et non politiques.
La plupart des photographes auront une sorte d’élément “politique” intégré dans l’image. Nous devons être passionnés lorsqu’on nous demande de lui assigner une valeur, que le mérite photojournalistique et non l’élément politique dirige nos décisions. L’image de cette année a été et peut être discutée de chaque côté de cette frontière… mais je n’ai pas de problème avec la décision du juge.
Deuxièmement : il a été dit que plus de 20% des finalistes ont été disqualifiés pour manipulation. Encore une fois, bravo pour avoir réagi. Mais sans montrer des exemples ou définir exactement ce qui a été fait exactement qui était considéré flagrant, vous avez en fait desservi la communauté photographique.
Comment les futurs participants peuvent-ils savoir ce qui est considéré “acceptable” lorsqu’il s’agit de sujets tels que le ton quand vous n’expliquez pas ce qui a été fait et pourquoi ? En même temps, vous récompensez des images comme celles-ci : http://www.worldpressphoto.org/awards/2015/daily-life/sarker-protick?gallery=2900401 qui, à MES yeux, ne ressemble en rien à la réalité. Images charmantes… Mais est-ce qu’elles ne constituent pas une “altération” ?
Comme vous pouvez le voir, je suis perplexe… Et je suis sûr que beaucoup le sont… lorsque le World Press Photo dit une chose mais récompense des images qui “semblent” être le contraire de vos standards acceptables. Peut-être qu’un autre communiqué de presse clarifiant cette situation est aussi commandé… ou au moins, considérez la publication de certains des 20% disqualifiés pour que l’on puisse mieux comprendre les paramètres qu’utilise World Press Photo.
Troisièmement : Cela nous amène au dernier et plus troublant sujet : The Dark Heart of Europe, de Giovanni Troilo. http://www.worldpressphoto.org/awards/2015/contemporary-issues/giovanni-troilo?gallery=2900401. Il n’y a aucun doute dans mon esprit que cette histoire rentre dans la catégorie “Problèmes contemporains”. Il n’y a également aucun doute que ce sont de belles images. Mais il ne fait également aucun doute dans mon esprit que ce n’est pas du photojournalisme. C’est au mieux de l’illustration photo.
Les images “créées” n’ont pas leur place dans le World Press Photo… à part peut-être la catégorie portrait… où le photographe contrôle l’environnement dans lequel il place le sujet. Et dans cette catégorie, il y a une limite à ne pas dépasser. Mais elles n’appartiennent certainement pas aux problèmes contemporains.
Beaucoup des images de cette série semblent avoir été montées. Une en particulier avec laquelle j’ai le plus de difficulté est le couple qui fait l’amour dans une voiture. Le photographe a déclaré : « Mon cousin a accepté que son portrait soit fait pendant qu’il forniquait avec une fille dans la voiture de son ami. Pour eux ça n’était pas étrange. » Le World Press Photo a déclaré : « Le cousin avait donné au photographe la permission de le suivre cette nuit-là, d’observer et de le photographier pendant qu’il faisait l’amour avec une fille en public. Que le photographe ait été impliqué ou non, le cousin avait prévu de faire l’amour dans la voiture. »
En inspectant l’image, je suis troublé par plusieurs chose : le placement de la voiture avec les feux illuminant les buissons et la source de lumière qui illumine l’intérieur de la voiture (venant de DESSOUS le couple qui fait l’amour… et pas de la lumière d’un toit). Donc de nombreuses questions viennent à l’esprit. Laisseriez-vous les feux de la voiture si vous aviez des relations sexuelles clandestines ? Pourquoi illumineriez-vous l’intérieur de la voiture par en-dessous ? Pour moi, mes seules raison de faire ça seraient de faire une image dramatiquement illuminée. Ça ne ressemble pas à un moment “trouvé”.
En conclusion, je dois dire que je suis attristé de voir des images comme celles-là récompensées dans une catégorie qui a historiquement produit les plus belles histoires de notre génération. Et je suis tout aussi attristé que le World Press Photo ait décidé de maintenir la récompense après que certaines de ces révélations aient été mises en lumière.
J’ai toujours eu le plus grand respect pour l’intégrité du World Press Photo et je continuerai… Mais pour moi, le vernis a terni. J’ai l’espoir qu’il brillera à nouveau.
http://jimcolton.com/blog/2015/3/2/an-open-letter-to-world-press-photo
www.worldpressphoto.org