Du Maroc, on connait la fascination du photographe belge Harry Gruyaert. Les Éditions Louis Vuitton offrent aux curieux un autre regard. Celui de Vincent Van de Wijngaard. Le photographe néerlandais dévoile un Maroc restitué dans sa lumière, dans son silence et comme dans son intimité.
Photographier un pays crée une habitude : vouloir l’exhaustivité. Combien d’expositions se targuent de présenter un pays ou sa société dans son entièreté ? Aux visions complètes, préférez les petites touches, la subjectivité et l’art de construire un récit. Le Maroc de Vincent Van de Wijngaard a tout d’un œuvre de cinéma. Il propose une vision unique mais non exhaustive du pays, effilochée depuis 1993. Un regard où la lumière et la pénombre virevoltent. Aux maîtres admirés, McCullin, Burrows, Peress, Leiter, Vincent Van de Wijngaard n’a rien à envier.
Vincent Van de Wijngaard saisit l’horizontalité du Maroc. Ces villes presque en dessous de la mer, ces rues sans grandiloquence, sans verticalité. Un pays à hauteur d’homme, où les murs pourtant paraissent étouffer les habitants. Ce bout de Maroc devient une terre d’ombres, une atmosphère de regards jetés par-dessus l’épaule, un paradoxe, tout simplement. Les œuvres de Van de Wijngaard semblent se perdre dans un murmure. Le photographe magnifie l’ennui : femmes seules, gamins esseulés réunis en meute, hommes mains sur les hanches… Et pourtant au détour d’une ruelle, toute désignée à l’inaction, une silhouette s’enfuit, des gamins se pourchassent. Pesanteur et silence s’opposent à la vitesse des empressés.
Dans cette atmosphère, les hommes ne font jamais face. Ils vous tournent le dos, le regard enfoui dans la jute. Ils se tiennent à distance, circonspects. Van de Wijngaard réussit à garder cette distance. Il ne se veut jamais acteur, et bien qu’il affirme être avec son appareil « au centre du monde », il sait que la beauté réside à aux alentours, dans les recoins des murs emplâtrés. Son Maroc est un flottement et même en son coeur, il convient de glisser dans sa nuit.
La mise en page des Éditions Louis Vuitton souligne cette atmosphère. Le noir des pages appuie les couleurs solaires et affirme combien jouer avec la couleur signifie maîtriser la pénombre. Chez Van de Wijngaard, le ciel indigo et les murs de braise tissent un joli mensonge, un prétexte plaisant. La lumière n’est pas une révélation, pas même un joli prétexte. Elle attire l’œil, et quand la prunelle du regardeur s’est bien repue, enfin surgissent les acteurs cachés.
La véritable réussite du photographe est de montrer le silence des hommes, ses pensées ruminantes comme ses trajectoires inconnues. Vincent Van de Wijngaard y parvient avec simplicité.
Arthur Dayras
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