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Vincent Rosenblatt –Rio Baile Funk

Preview

Après un premier séjour en 1999 au Brésil, où Vincent Rosenblatt découvre Rio et ses favelas qui jouxtent la ville officielle, il repart de 2005 à 2010 pour se rapprocher de ces soirées de Bailes Funk (désigne les soirées où le Funk Carioca, genre musical, est joué) :

« Attiré irrésistiblement par ces vibrations qui ébranlent, à chaque baile, les fondements de la bienséance sociale et l’illusion de l’intégration sociale brésilienne, j’ai su très tôt que je trouverais une voie pour être accepté et y voir de plus près.

En guise de rituel d’accueil, je montre mes premières images, rangées dans une petite boite en métal, aux DJs, MC’s, impresarios de Bailes Funk des clubs de la périphérie, qui m’ouvrent ainsi leurs portes. Le même rituel est rejoué dans de nombreuses favelas, face aux guerriers locaux, qui comprennent alors que je ne suis pas là pour les dénoncer, mais pour accéder aux funkeiros, témoigner de la beauté des danseurs qui bien souvent ne sortent pas de leur ghetto et pour qui le Baile est une forme de catharsis.

Le Baile Funk de favela surprend le témoin «étranger» par ses codes de discipline, respect de l’autre, fille ou garçon, danseur ou junkie. Parade de fierté, de créations et recherches de chorégraphie collectives, aucun garçon ne s’approche trop d’une fille à moins d’y être invité, et pas seulement par crainte de heurter le sens du territoire d’un chef de gang local. Les paroles ultra sexuelles ou guerrières du baile de favela sont comme des messages symboliques sans passage à l’acte. L’élégance des gestes, des pas, entraînent la foule dans une transe collective qui n’est pas même troublée par la présence de bandits défilant l’arme au poing et scandant les samples du DJ par des rafales de tirs vers le ciel! »

Les MC´s (Master of Ceremony, les brésiliens ont adopté les termes du HipHop) chantent la guerre entre gangs et leurs hauts faits d´arme contre la police, enchaînent sans transition sur la gloire de Jésus, pour passer à la Putaria – digressions sexuelles explicites… Le baile funk de favela est l’expression de liberté de parole absolue. Un peuple de travailleurs opprimés, renverse, à chaque baile, l’échelle des valeurs au rythme sismique des basses émises par les murs d’enceintes géantes. Quant aux adolescents «cariocas» des beaux quartiers, aller au Baile Funk, c’est se confronter aux forces vives de la ville, abolir pour un temps les différences, se mêler à la réalité crue, une vérité bien différente de l’image d’une société pacifiée projetée et maquillée par les novelas.

Aujourd’hui le baile funk a acquis bien d’autres espaces dans la ville, comme ces écoles de Samba, qui les accueillent hors saison de carnaval ou bien ces clubs et associations sportives traditionnels. Ici, la police guette les excès des textes des raps. Les bailes ont souffert de vagues de répression durant ces 15 dernières années et se doivent de respecter des limites pour ne pas être interdits : les raps les plus appréciés sont joués dans leurs versions purgées de leurs appels trop guerriers ou sexuels. Les MC´s comme Mister Catra, adulé du Funk Carioca, enregistrent souvent deux versions de leurs nouveaux titres.

A cette censure de paroles dans les beaux quartiers, répond une plus grande liberté de mœurs, de drague entre garçons et filles, de gestes plus risqués. Dans les Bailes de club, les enjeux sont autres, il ne s’agit pas seulement d’affirmer son identité, mais d’aller à la rencontre de l’autre: les bailes sont des lieux uniques, d´une constante mixité sociale, d´échange de nouveaux pas de danse, de rites d’amitiés, de possessions de territoires.

Durant d’innombrables nuits blanches, je tente d’accompagner le rythme d’une génération qui risque sa vie pour aller danser et se retrouver, malgré le mépris des élites, propagé par la presse et la télévision. Bien au delà de la fête, le Baile Funk est une nécessité vitale, un droit culturel que la jeunesse majoritairement afro-brésilienne s’arroge sans consulter personne.
Dans l´état de Rio, 300 à 500 Bailes ont lieu par semaine, malgré les interdictions et une répression constante. Ils rassemblent entre 500 à 10 000 funkeiros chacun.»

Vincent Rosenblatt

Jusqu’au 10 avril

Maison Européenne de la Photographie
5/7 rue de Fourcy
75004 Paris

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