L’exposition, présentée à Naples, traite des pratiques contemporaines liées aux changements sociaux massifs du dernier demi-siècle : urbanisation, industrialisation, création de nouvelles périphéries urbaines, transformation démographique de l’espace rural, luttes liées aux choix corporels, libertés et contraintes. Utopia Dystopia : le mythe du progrès vu du Sud présente des œuvres de quelque 55 artistes italiens et internationaux, tous en rapport avec la région de la Campanie et la collection Madre.
L’accent est mis sur le contraste entre les promesses utopiques et les expériences dystopiques de la modernité. L’analyse porte notamment sur l’Italie du Sud et la représentation des logiques violentes et des contradictions qui sous-tendent le progrès économique. Des observations de Mimmo Jodice sur les périphéries, les architectures industrielles et les paysages méridionaux des années 60 et 70, aux hommages photographiques d’Antonio Biasiucci aux villages abandonnés et à la vie pastorale en Campanie, aux investigations de Raffaela Mariniello et Ibrahim Mahama sur la zone industrielle de Bagnoli, avec sa beauté toxique et puissante.
Les êtres humains peuvent remodeler leur vie et leur environnement à l’aide de la technologie et de la science, dit l’idéologie moderne du progrès, créant ainsi de nouvelles perspectives pour l’avenir. De nouvelles libertés ont été promises aux femmes et aux autres personnes historiquement marginalisées ou économiquement défavorisées. Mais ces visions utopiques ne se réalisent souvent jamais. Tant de gens se sont retrouvés isolés en banlieue, avec des travaux précaires, mal payés et souvent dangereux.
Depuis la fin des années soixante, plusieurs artistes ont contribué à créer des espaces utopiques de partage des connaissances et d’expérimentation artistique en périphérie, en particulier dans le contexte napolitain. Plusieurs artistes ont concentré leurs recherches sur le questionnement, dans une perspective historique, de l’ordre établi et des normes acceptées. Selon le sociologue français Pierre Bourdieu, le néolibéralisme est « un programme conçu pour détruire les structures collectives capables de faire obstacle à la logique pure du marché » (Le Monde diplomatique, décembre 1998). Au Sud, cependant, ces structures et valeurs sont encore préservées et l’existence est souvent célébrée collectivement , avec la perspective d’un autre avenir.
L’exposition Utopia Dystopia est composée de sections, Espace urbain par opposition à Espace rural, où Bianco-Valente a décidé de poser la question à tous les habitants du village de Roccagloriosa dans la région du Cilento : « Que manque-t-il ? Cette question même est suggérée par un phénomène comme le flux continu des jeunes vers les villes. On y trouve également l’Espace périphérique, qui traite du fait qu’au cours de l’après-guerre, la classe ouvrière urbaine a été reléguée, avec les nouveaux venus des campagnes, dans les zones périphériques : leur quartier d’habitation était une sorte d’exil forcé.
D’autres sections sont consacrées à l’Espace extra-territorial et à l’Espace du corps. La promesse moderne de progrès dans la reconnaissance sociale des femmes et des autres discriminés en raison de leur sexualité ou de leur origine culturelle devient le point central de la recherche des artistes sur la façon dont le corps interagit en public et en privé.
Quant à l’Espace Industriel, le lien est avec la région de Bagnoli : de 1910 à 1992, les 2000 m² de la baie de Pozzuoli, ont été le centre de la production de masse d’acier, provoquant une pollution environnementale sur la terre et la mer, et amenant le conflit entre la santé et les conditions de travail, qui est redevenu d’actualité, d’une manière différente, pendant la pandémie de Coronavirus.
L’exposition est organisée par Kathryn Weir.
Paola Sammartano
Paola Sammartano est une journaliste, spécialisée dans les arts et la photographie, basée à Milan.
Utopia Dystopia: the myth of progress seen from the South
09 juillet au 08 novembre 2021
Museo Madre
Via Settembrini 79
80139 Naples
Italie