Les statistiques sont sinistres : un Américain sur 250 est atteint du VIH. Plus d’Américains sont mort du sida que durant les guerres du Vietnam et de Corée réunies. Mais les nombres sont insuffisants à décrire l’horreur de ce fléau. Ce qu’ils ne nous disent pas, c’est que nombre de ces disparus ont rendu nos existences plus riches, et que la perte collective de talents individuels a handicapé le champ photographique de manière palpable, sans parler du monde de l’art dans son ensemble.
La souffrance que le sida a causé transcende la photographie, l’art, les affaires, et tout ce à quoi je peux penser exceptée la vie humaine en elle-même. Pourtant, le coût de cette maladie, une pandémie qui a déjà plus de dix ans et qui continue à s’étendre, a été particulièrement tragique dans des domaines comme les nôtres, en raison du temps qu’un artiste met pour se développer et pour s’épanouir. L’âge moyen des gens qui sont morts du sida dans ce pays est de 35 ans, ce qui est à peu près l’âge à partir duquel de nombreux photographes commencent leur carrière solo. Cette immense perte sur le plan artistique – spécialement dans le domaine de la photo – est le point de départ de ce numéro d’American Photo.