C’est le monde à l’envers, comme disaient nos grands-mères.
Sauf que cette fois, elles n’ont pas tort.
Sur Facebook, Instagram, ces réseaux dits sociaux (mais plutôt : boîtes modernes de Pandore), on n’a plus le droit d’exposer la vérité d’un corps.
Un bout de sein, un bout de sexe – et c’est l’index !
On se croirait en 1550, après le concile de Trente.
Terrifié par le protestantisme, qui dénonçait la débauche de Rome, le Vatican se choisit des « papes vertueux » ; dont le premier coup d’éclat fut de faire la guerre aux pénis.
[C’est à la racine qu’il faut couper le vice.]
Pie IV chargea donc le peintre Volterra – formé pourtant par Michel-Ange –, de donner le change, couvrant d’une feuille de vigne tous les sexes de la chapelle Sixtine.
Pour la peine, l’histoire le surnommera il braghetonne (le faiseur de culottes).
Vu d’aujourd’hui, tout cela semble hypocrite.
Or l’époque a-t-elle changé ? La question mérite d’être posée. [Quant à « la débauche » du clergé, Martel sans Sodoma témoigne d’une certaine… fixité.]
Stop. Facebook (notre Église moderne) s’éclaire à la même lanterne : tout y est permis, partagé, étalé, sauf le plus innocent des péchés : la sensualité.
Violence verbale, haine raciale, racisme, complotisme : soyez les bienvenus – tant que vous ne montrez pas un bout de cul ! [MM. Trump & Poutine ne regrettent pas d’être venus.] Comble du ridicule : Fox News allant jusqu’à flouter Les Demoiselles d’Avignon. Au cas où trois nichons cubistes rendent les Américains encore plus tristes.
OK Google. Examinons la genèse du puritanisme : une fois croqué le fruit défendu, les yeux d’Adam et d’Êve s’ouvrirent, dit la Bible, et ils surent alors qu’ils étaient nus. Moyennant quoi : ce qu’on reproche à un corps sans voile, c’est notre propre désir qu’il dévoile.
Pause. Que cela signifie-t-il ? Il suffit de suivre le fil : que la violence est désirable, et le désir déplorable. (Puisqu’on exhibe l’une – et que l’autre nous importune.)
La « règle des garçons », d’ailleurs, renseigne sur cette peur.
Une bite apathique, dans l’espace public : passe encore.
Mais une bite raide : au secours, à l’aide ! [La Bible fait florès : par son incarnation, c’est le désir, derechef, qu’on renvoie en prison.]
Mais revenons à Gizard.
Il se trouve – Dieu merci –, encore des artistes pour aimer le bizarre.
[Je veux dire le normal : on m’aura compris.]
Et qu’est-ce que le normal pour un artiste ?
De suivre ses tropismes.
Soit de représenter, pour parties ou en entier, son punctum.
(Sans s’excuser le lendemain par un erratum.)
Cut. Ce pharisaïsme numérique aura cependant une conséquence heureuse. Et mystique.
Rendre à nouveau les livres sacrés.
Oui. Alléluia : sur du papier, on a presque tous les droits.
[Comme si seul le pixel valait le combat.]
On ne s’en plaindra pas.
Et plongeons dans ces trésors, qu’on croirait non-humains, malgré la chair, tant ils inspirent stupeur & mélancolie de concert.
(Stupeur du beau, condensé à ce point. Mélancolie de ne le goûter point.)
On touchera avec les yeux – qui deviennent des mains lorsqu’ils scrutent le feu.
Reste la hargne du désir-roi.
Ces prunelles mauvaises et douces à la fois.
Ces prunelles qui disent : « Je te veux » et « Je ne te veux pas. »
Stop. Mangeons le livre… sans en avoir honte.
[C’est grisant d’être ivre, même si Instagram supprime mon compte.]
Arthur Dreyfus.
Stéphane Gizard : We removed your post because it doesn’t follow our community guidelines
21×28 cm
500 exemplaires
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