Inutile de présenter le réalisateur Stanley Kubrick dont la longue carrière ponctuée de treize longs-métrages a marqué l’histoire du cinéma. Ses débuts en tant que photographe à la fin des années 1940 sont en revanche moins connus et le Museum of the City of New York présente une exposition de photographies dédiée à ces quelques années où le jeune Kubrick a travaillé pour la presse.
Né à Manhattan en 1928 dans une famille juive originaire d’Europe centrale, il passe sa jeunesse dans le Bronx. Mauvais élève, il fréquente peu l’école et rêve de devenir batteur de jazz. Il s’adonne à la photographie et est embauché comme photographe par le magazine Look. Le journal paraît deux fois par mois, il est créé quelques temps après Life, se permet plus de souplesse et s’éloigne de l’actualité avec des reportages courts illustrés de photographies. Stanley Kubrick y travaille comme indépendant de 1945 à 1950 alors qu’il n’a qu’entre 17 et 21 ans. C’est sur ces quatre années que l’exposition se concentre.
Les photographies présentées forment des séries distinctes classées chronologiquement et l’exposition se termine par l’évocation de ses premiers films notamment Day of the Fight sorti en 1951 et inspiré par sa série sur le boxeur Walter Cartier. Toutes ces photographies illustraient des articles sur la vie quotidienne new yorkaise avec des thèmes et des titres aussi cocasses que charmants : Cabinet dentaire : les Américains sont des patients consciencieux mais nerveux (Dentist’s Office : Americans Are Dutiful but Nervous Patients), La vie et l’amour dans le métro de New York (Life and Love on the New York Subway), Pendant que maman fait les courses : les enfants s’ennuient et font des bêtises pendant que maman est occupée (While Mama Shops : Kids Are Bored, Get into Mischief While Mom’s Away), Une vie de chien dans la grande ville (A Dog’s Life in the Big City).
Dans ce genre d’expositions, de plus en plus fréquentes, qui s’intéresse à la carrière méconnue d’un artiste reconnu, la tentation rétrospective est inévitable. Il est cependant difficile de trouver un style propre au Kubrick photographe dont l’inspiration est à chercher du côté de Weegee. Les images sont drôles et restent captivantes et la mise en relation avec les articles de presse auxquels elles sont dédiées permet d’envisager un foisonnement et une adaptabilité dont il est difficile d’extraire une constante. Là n’est pas l’intérêt de l’exposition. Elle a le mérite de faire oublier qui est Stanley Kubrick et s’intéresse véritablement aux photographies pour elles-mêmes en les plaçant dans leur contexte de production. Elle se termine là où, pour nous spectateurs, Stanley Kubrick commence et on apprécie tout autant la scénographie sans fioritures que les images qui annoncent – tout autant qu’elles ne l’annoncent pas – la carrière du cinéaste à venir.
Hugo Fortin
Hugo Fortin est un auteur spécialisé en photographie basée à New York, aux Etats-Unis.
Through a Different Lens – Stanley Kubrick, Photographs
Jusqu’au 28 octobre 2018
Museum of the City of New York
1220 5th Ave & 103rd Street
New York, NY 10029
USA