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Slave Smugglers — Jordi Camí

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Chaque jour, à la frontière de Biutz à Ceuta et d’El Barrio Chino à Melilla, des milliers de marocains, principalement des femmes, forment de longues files d’attente pour entrer dans ces villes et participer à une forme de contrebande institutionnelle qui prend place toutes les semaines du lundi au jeudi, en plein jour, avec l’accord tacite des gouvernements responsables des deux côtés de la frontière. L’existence de ce commerce illicite s’explique par la différence de prix touchant les marchandises importées dans les entrepôts de Ceuta et de Melilla, et la facilité avec laquelle les habitants des provinces marocaines voisines de Tetuan et de Nador peuvent pénétrer dans les villes espagnoles sans visas.

L’opération est simple : les porteuses entrent sur le territoire espagnol et se chargent de tout le poids de marchandises qu’elles peuvent supporter sur leur dos, ou traîner, et les ramènent au Maroc pour les revendre en s’acquittant des droits d’entrée que la police marocaine impliquée leur demande. Du côté espagnol, ces trafics sont désignés, par euphémisme, sous le nom de « commerce inusuel ». Les marchands espagnols, dont les commerces fleurissent près de la frontière, affirment que tout ceci est légal, qu’il n’y a pas de contrebande et qu’ils payent les taxes. Il est vrai que les achats sont faits légalement en Espagne, mais les infractions commencent quand ces produits empruntent le chemin du Maroc sans que les frais de douane soient réglés.

Ce trafic semble bénéficier à tout le monde, beaucoup de familles peuvent se nourrir grâce à lui, des pauvres des provinces de Tetuan et Nador, jusqu’aux commerçants des deux côtés de la frontière de Ceuta et Melilla, en passant par la police et les douanes du Maroc. Mais ce business lucratif n’encourage aucune forme de développement, au contraire, les emplois créés sont quasiment des formes d’esclavage, précaires et dangereuses, créant une économie souterraine et, pire encore, institutionnalisant la corruption. Chaque jour, quand la police du Maroc décide d’ouvrir la frontière, des hommes et des femmes luttent pour la franchir et atteindre l’autre côté où ils trouveront des douzaines de camions remplis de sacs de vêtements usés, de chaussures, de couvertures, de pneus, de caisses de chips, de papier-toilette, de couches, de whisky, et d’innombrables produits d’entretien. Les paquets peuvent peser jusqu’à 80 kilos et beaucoup de femmes qui les portent se détruisent le dos. Elles ont préparé dans leurs poches la petite monnaie dont elles auront besoin pour payer le droit de passage. Chaque porteuse doit payer 5 dirhams (45 cents) à chacun des quatre officiers qui lui demande ses papiers, sinon, ils ne les laissent pas passer ou les renvoient en bout de queue. Pour chaque paquet ramené, les porteuses recevront à peu près 50 dirhams (5 euros), et, si elles ont de la chance, pourront faire un autre voyage.

Selon la Chambre Américaine du Commerce à Casablanca, chaque emploi généré par ce trafic occasionne la perte de dix de ses équivalents légaux. On estime que la contrebande crée au Maroc 45000 de ces travailleuses de force et 400000 autres emplois indirects.

Un business qui rapporte des millions d’euros mais demande à être rapidement reconsidéré par les deux gouvernements impliqués, puisque le Maroc va complètement revoir ses conditions d’échange avec l’Union Européenne en 2012, et que la contrebande va perdre tout son sens, entraînant des conséquences graves pour des milliers de personne qui survivent à peine grâce à elle.

Slave Smugglers – Jordi Camí
Visa pour l’image – Perpignan
Projection au Campo Santo

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