Pour sa deuxième exposition personnelle à la M97 Gallery, Peter Bialobrzeski (né en 1961) présente quatre de ses séries réalisées au cours de ces huit dernières années. Cet artiste allemand a tout d’abord étudié la Politique et les Sciences Sociales avant de devenir le photographe attitré d’un journal local dans sa ville natale de Wolfsbourg. Il sillonne une grande partie de l’Asie avant de revenir en Europe pour étudier la photographie. Après quinze ans de bons et loyaux services, il décide de se consacrer entièrement à la photographie qu’il ne qualifie ni artistique ni documentaire, mais plutôt comme une pratique culturelle.
A son habitude, la M97 Gallery soigne particulièrement les encadrements et la scénographie, qui est cette fois certes quelque peu chargée mais néanmoins dynamique par son association de grands formats disposés par paire et de plus petits en mosaïque. Le spectateur a donc l’opportunité de contempler quatre séries : The Raw and the Cooked (2011), Informal Arrangements (2010), Case Study Homes (2008) et sa plus ancienne Heimat (2005).
Pour The Raw and the Cooked (2011) Peter Bialobrzeski a parcouru quatorze pays différents à travers l’Asie. Ses photographies révèlent les sublimes et déroutantes contradictions de la ville asiatique, sa splendeur, sa monstruosité, la rapidité de sa modernisation, son inquiétante insalubrité, sa population dense, sa pollution lumineuse, ses contrastes improbables. Peter Bialobrzeski nous plonge alors comme dans une peinture surréaliste de René Magritte (1898-1967), les longs temps de poses brouillent les notions de jour et de nuit qui semblent ne plus se distinguer. Dans une telle confusion spatio-temporelle, le paysage urbain paraît atemporel et global tout en conservant les caractéristiques propres aux villes asiatiques.
A l’inverse de ces visions panoramiques extérieures, les photographies de Informal Arrangements (2010) s’aventurent à l’intérieur des maisons afin de capturer des morceaux de vie des petites gens. Ces gros plans surchargés d’images créent au final des sortes de natures mortes composées d’objets du quotidien, sur fond de tapisserie improvisée fait de pages de publicités trouvées dans les magazines des supermarchés.
Poursuivant son exploration de l’habitat, Peter Bialobrzeski a représenté les maisons de fortune à Manila à travers sa série Case Study Homes (2008). Malgré l’évident commentaire social, ces cabanes fragmentées attestent également de l’intérêt de l’artiste pour l’aspect formel et l’effet sculptural de ces maisons faites de bric et de broc, où morceaux de bois, de tissu, de tôle entre autres matériaux de construction improvisés forment un assemblage de formes surprenantes.
Pour finir sa série Heimat (2005), tirée du mot allemand signifiant le lieu où l’on a grandi, propose une vision nostalgique de son pays natal. Ce genre de paysages monumentaux où la présence de la figure humaine demeure discrète rappelle certaines peintures romantiques allemandes. Tel un Caspar David Friedrich (1774-1840), Peter Bialobrzeski met en scène ses personnages au premier plan, mais leur taille infime ne peut que mettre en valeur les trois-quarts de la composition destinée à la glorification de la nature allemande.
Au final ces quatre séries alternent entre vision idyllique où l’on respire, et vision apocalyptique où l’on suffoque. Photographe du contraste, Peter Bialobrzeski représente la démesure, la surcharge de couleur et de lumière, il dessine les contours de la ville asiatique sous toutes ses formes, depuis ses buildings ultra modernes jusqu’aux bidons villes. Ces séries témoignent de sa fascination particulière pour l’empreinte de l’homme sur son environnement, qu’il soit urbain, naturel ou privé.
Marine Cabos
The Raw and The Cooked
16 mars – 21 avril 2013
M97 Gallery
97 Moganshan Rd. 2F
Shanghai
200060 China