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Shanghai : Eric Leleu

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Shanghai est sans conteste l’une des principales villes chinoises où la photographie contemporaine fait parler d’elle. Si vous souhaitez flâner dans le charmant quartier de l’ancienne concession française, ne ratez surtout pas l’exposition Subtitles du photographe français Eric Leleu (né en France en 1979), à l’Art Labor Gallery.

Attelé à ce projet depuis 2008, Eric Leleu propose une sélection d’une vingtaine de photographies à travers une scénographie didactique et soignée, s’accaparant tout l’espace des murs au plafond, de l’intérieur à l’extérieur. Subtitles (ré)invente l’histoire des hengfu (橫幅), les fameuses bannières chinoises à fond rouge et au message fort. Armé tout d’abord d’un Leica M6 et 35 mm puis d’un appareil grand format 4×5″, Eric Leleu a « été séduit par leur forme et leur violence ». Le désir de les comprendre l’a poussé à les photographier, les contrefaire, puis les abstraire de toute signification originelle.

L’entrée de l’exposition se fait en grande pompe : la Grande Muraille de Chine nous nargue avec sa grandeur et arbore le proverbe chinois « When the storm is coming, some people build walls, others build windmills » (« Lorsque la tempête arrive, certains construisent des abris, d’autres des moulins »). Débuter avec l’un des symboles de l’architecture monumentale chinoise n’est pas innocent : pour Eric Leleu, la Grande Muraille « représente Beijing et l’autorité. Cette image est la plus subversive à mes yeux de tout le projet ». Cette entrée en matière lui permet également de poser les bases de sa réflexion: la rencontre entre l’interprétation et la manipulation.

L’espace principal est dédié à l’évolution chronologique de la série, trois chapitres résumés à travers huit photographies chacun. Le premier chapitre, intitulé « Authority », correspond à la phase préliminaire du projet, plus journalistique, plus sombre, littéralement et conceptuellement. Ce chapitre premier, shooté entre Shanghai et Pékin, montre les bannières « telles qu’elles sont vues par les Chinois », le plus souvent capturées en pleine nuit.

Le chapitre deux, « Vox Populi », change de registre. Voulant s’éloigner du « côté noir et peut-être moralisateur », Eric Leleu use d’imagination et d’humour. Il crée alors ses propres bannières, tentant de les accrocher dans des lieux publics, tantôt pittoresques tantôt incongrus. Cette évolution qui pourrait paraître empreinte de légèreté s’accompagne en réalité d’une grande prise de risque. Par exemple pour Unity is strength (L’union fait la force), Eric raconte : « J’avais remarqué que les militaires chinois affectés à l’ambassade américaine passaient tous les jours à 12h04 devant la bibliothèque de Shanghai pour relier leur caserne. Le plan était donc d’accrocher la banderole à 12h03 et d’attendre leur passage dessous. Photographier les militaires chinois étant hautement interdit, un petit scénario s’imposait. Au cas où ils s’arrêteraient pour me faire détruire l’image, l’alibi était que mon assistante et moi étions un jeune couple, que nous allions nous marier, la bibliothèque de Shanghai étant le lieux de notre première rencontre. » Le subterfuge a fonctionné, la photographie a vu le jour. 

Silent protest clos la série, ou plutôt ouvre le champ des possibles. Ce chapitre trois shooté entre la Chine (Yunnan et Xinjiang) et la France (baie de Somme et Chantilly) suggère que « la nature ne connaît pas les frontières humaines ». Résolument plus aériennes, les photographies de ce chapitre délaissent accessoires et figurants au profit de paysages majestueux. La bannière, seul et unique protagoniste depuis le départ, prend un nouvel envol. Suspendue, entremêlée dans des branchages, ou tiraillée par le vent, elle n’arbore plus aucun message, devenant presque l’allégorie d’un langage universel, voire d’une ode à la nature.

La série Subtitles est donc à la fois ancrée dans le commentaire social, délibérément satirique, ouvertement politique, et profondément poétique. En quelques années, les bannières officielles sont devenues officieuses, pour mieux ensuite s’affranchir de tout commentaire écrit. Cette évolution tant visuelle que conceptuelle atteste la cohérence et le remarquable travail d’Eric Leleu dans son intention de créer des « images documentaires alternatives » à la frontière entre document et performance artistique. L’exposition a rencontré un franc succès avec déjà plus d’une vingtaine de photographies vendues. Avis aux collectionneurs, dépêchez-vous avant que la totalité des épreuves ne trouvent acquéreur. 

EXPOSITION 
Eric Leleu – Subtitles
Jusqu’au 29 juin 2014
ART LABOR Gallery
#411, Bldg 4, 570 Yongjia Lu
Shanghai 200031, Chine

+86 21 3460 5331

www.artlaborgallery.com 

 

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