Forte de sa place en tant que plateforme internationale pour la photographie, la OFOTO Gallery présente actuellement un nouveau photographe au futur très prometteur. Le chinois Di Jinjun (né en 1978 dans la province du Shanxi) se place aux antipodes de notre époque inondée d’images digitales puisqu’il a choisi une technique datant du 19e siècle – le collodion humide – pour créer une série de portraits saisissants intitulée Sophists.
Un sophiste détient la connaissance et la transmet de manière orale selon les conceptions les plus anciennes. Qui sont les sophistes que portrait Di Jinjun ? Artistes et musiciens célèbres, commissaires d’exposition reconnus internationalement, critiques d’art influents, professeurs émérites, tous sont les sages du monde de l’art contemporain chinois. Mais les orateurs d’excellence que sont censés être les sophistes sont ici muets, par définition le médium de la photographie ne peut communiquer leurs pensées. Toutefois la solennité et la puissance des regards laissent transparaître une sorte d’aura qui suscite la révérence.
Les photographies de Di Jinjun semblent évoquer plusieurs traditions de portrait. Tels des bustes gréco-romains, ces images ne sont pas non plus sans rappeler les premiers portraits dit ethnographiques réalisés par les colons occidentaux lors de leurs voyages dans les terres « exotiques » d’Asie, d’Amérique entre autres contrées lointaines découvertes avec émoi à l’époque. De plus ces mises en scène évoquent également les premiers portraits photographiques du 19e siècle en Chine, eux mêmes tirés d’une longue tradition de vénération des ancêtres plus connue à travers la peinture. Mais allant au delà de ces traditions dites classiques, Di Jinjun décide de représenter ses sujets en triptyque, nous les découvrons alors de face, de profil, et de dos. Touchant, énigmatique, imposant, le regard tantôt fuyant tantôt assuré et fixant le spectateur, le charisme de ces « sophistes » du monde actuel s’impose à nous. Sophists est par ailleurs une série qu’il a continué en 2013, non plus sous forme de triptyque mais sous forme de portraits en buste unique, permettant à la personne représentée de se positionner soit de face, de trois quart, ou de dos.
Di Jinjun capture avec brio la grandeur d’une pose d’un lettré de la Chine contemporaine à l’aide d’une technique ancienne extrêmement contraignante mais donnant des résultats éblouissants. Le collodion humide offre une image avec une grande finesse de grain, de riches détails et tonalités, et toutes sortes de textures et méandres laissées par le révélateur. Cette technique ne permet qu’un seul tirage, mais au fond quoi de plus naturel que de créer des tirages uniques pour refléter le caractère singulier de ces personnes ? Au final, Di Jinjun cultive ce paradoxe spatio-temporel à travers lequel des personnalités illustres de la Chine contemporaine sont revisitées à la lumière d’une technique datant des prémisses de la photographie dans les années 1850.
Marine Cabos
Di Jinjun: Sophists
13 avril – 24 mai 2013
OFOTO Gallery
2F, Building 13, 50 Moganshan Rd.
Shanghai
Chine
