« Je travaillais aussi bien à la lumière du jour qu’à la lumière artificielle. Beaucoup de clients préféraient les “photos de nuit” qui étaient plus pâles, mais moi, je préférais la lumière naturelle. »
– Seydou Keïta
Entretien avec André Magnin
«Ma véritable passion pour la photographie est née de ma rencontre avec Seydou Keïta. »
Comment est né votre intérêt pour la création africaine contemporaine ? Vos recherches étaient-elles dès le départ orientées vers la photographie ?
Mon intérêt pour la création contemporaine en Afrique a débuté en 1986, lorsque je travaillais à la préparation de « Magiciens de la Terre », la première exposition véritablement internationale présentée en 1989 au Centre Pompidou et à la Grande Halle de la Villette. […]
Je dois reconnaître que ma véritable passion pour la photographie est née de ma rencontre avec Seydou Keïta à Bamako en 1991.
Comment l’avez-vous rencontré ?
J’assistais en 1991 à l’inauguration de l’exposition « Africa Explores : 20th Century African Art », organisée par l’historienne d’art et curatrice Susan Vogel au Center for African Art, à New York. Cette exposition mêlait art classique, traditionnel, moderne, contemporain, populaire et présentait aussi des photographies anciennes. Quelques-unes étaient créditées « photographe anonyme, Bamako, Mali, 1950’s, 1955… » . Jean Pigozzi, qui le découvre dans cette exposition, les as trouvées remarquables, et m’a faxé les images du catalogue. J’avais alors assez d’expérience de l’Afrique pour lui affirmer que si l’auteur anonyme de ces portraits était toujours vivant, je saurais le trouver. Je suis donc parti à Bamako, seul comme pour tous mes voyages, muni des photocopies des trois portraits reproduits au catalogue de l’exposition new-yorkaise. C’était mon premier voyage au Mali. Peu après mon arrivée, je rencontrai Thairou, devenu fidèle complice, qui m’a conduit chez le photographe connu du tout Bamako, Malick Sidibé n’ayant plus alors, pour seule occupation, que la réparation d’appareils photo. Sans la moindre hésitation, celui-ci identifia l’auteur des portraits : « Ça, c’est de Keïta ! Il est toujours là, à Bamako-Coura, derrière la prison centrale . »
Et c’est là, dans sa parcelle, que Seydou Keïta me reçut : « Vous avez fait tous ces milliers de kilomètres pour ça ? » Retraité depuis 1977, il était loin d’imaginer que trente ans après avoir fermé son studio, on viendrait de loin pour la beauté de ses photographies. Il se remémora l’époque où il exerçait encore ce métier : « Il y a longtemps que j’ai fini avec ça, mais vous pouvez voir, j’ai tellement aimé la photographie, toutes mes archives sont là, dans cette cantine bleue. » Seydou m’est apparu comme un homme secret, silencieux, austère, distant mais aussi attentif, respectueux et reconnaissant. J’ai passé des journées entières à examiner, un à un, les milliers de négatifs accumulés depuis l’ouverture de son studio en 1948 jusqu’en 1962, date à laquelle il a pris ses fonctions de photographe officiel pour le premier gouvernement socialiste malien. La majorité des négatifs que je découvrais à l’automne 1991 étaient au format 13 x 18 cm, mais il y avait aussi de nombreux 9 x 13 cm et quelques plaques de verre. […]
Comment a débuté votre collaboration avec Keïta pour la production de nouveaux tirages ?
Dès notre première rencontre, j’ai expliqué à Seydou Keïta que je travaillais pour une grande collection dédiée aux artistes africains et qu’il serait le premier photographe à y entrer. Il m’a accordé toute sa confiance. J’ai pu consulter tous ses négatifs. J’en ai choisi neuf cent vingt et un, que j’ai emportés avec moi dans l’objectif de commencer une collection de ses oeuvres. Ce fut le début d’une aventure que nous avons vécue ensemble jusqu’à ce qu’il nous quitte en 2001. Elle se poursuit encore aujourd’hui.
– André Magnin (extrait de l’entretien issu du catalogue d’exposition)
Seydou Keïta
Du 31 mars au 11 juillet 2016
Grand Palais
75008 Paris
France
http://grandpalais.fr
http://www.seydoukeitaphotographer.com
LIVRE
Seydou Keïta
Editions de la Réunion des musées nationaux – Grand Palais, Paris 2016
22×24 cm, 224 pages
248 illustrations
35 €
Téléchargez l’application de l’exposition :
https://www.mobileaction.co