Umbrellas
Saro di Bartolo est un des grands reporters actuels qui illustre au mieux l’immersion dans un milieu humain, dans une ethnie, dans un organisme économique ou social. Il sait extraire, à travers ses images, la quintessence d’une communauté dans son environnement. Les émotions ressenties n’ont rien d’une forme de compassion, ni d’aucun misérabilisme, ses sujets ne quémandent aucune pitié quelconque. Non, rien de tout cela; le sujet et le photographe font corps pour nous montrer la Vie, certes sous ses divers aspects, même si parfois un lecteur de l’autre bout du monde est interloqué. Saro nous délivre de vraies images, sans enjolivure, et avec un très grand respect pour ses sujets qui ne deviennent pas les faire valoir d’une impuissance photographique à la recherche d’une aura people..
Pendant cette longue période qui a laissé nos valises et nos fourre-tout au repos (forcé), Saro -comme beaucoup d’entre nous- a mis un peu d’ordre dans ses archives. Un objet s’est invité régulièrement dans toutes les périodes depuis les années 1980 et sous toutes les latitudes où ses appareils photographiques ont pu témoigner. Cet ustensile c’est le « umbrella ». Si nous trouvons une trace de cet objet, destiné à l’origine à se protéger du soleil, plus d’un millénaire avant JC chez les chinois, les mésopotamiens et les égyptiens l’avaient également adopté. Cet accessoire de plus en plus sophistiqué est certainement l’un des plus utiles pour une grande part de l’humanité ; mais, c’est souvent le plus problématique car trop grand ou trop petit, oublié quand il est indispensable ou encombrant quand il est inutile, sans parler que malgré sa taille il est capable de se faire oublier dans les endroits les plus insolites.
Ce simple fil rouge choisi par Saro di Bartolo pour construire une nouvelle approche de certaines de ses œuvres m’a semblé très judicieux dès qu’il m’en a fait part. La présence de cet objet dans les images démultiplie le message, il fait s’exprimer une image qui en son absence serait d’une banalité déconcertante. Ainsi, même en reportage documentaire, l’accessoire lorsqu’il reste naturel devient indispensable à la délivrance du message originel. Je vous laisse le constater sur les images de Saro.
Thierry Maindrault