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Samuel Saada

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Rise to the Kingdom

A la fin des années 60, durant les conflits identitaires aux États Unis auxquels la population afro-américaine est en proie, un groupe de croyants se prépare à quitter ‘’la terre de l’esclavage’’ pour s’établir en Israël.
Black Hebrew Israelite of Jerusalem, quitte les États Unis et s’établit au Liberia pendant deux ans avant de rejoindre la terre sainte. Leur leader, Ben Carter, métallurgiste de Chicago, deviendra Ben Ammi (fils de mon peuple) Ben Israel (fils d’Israël).
S’autoproclamant descendants des anciens hébreux, après la destruction du Second Temple de Jérusalem (70 après JC), les esclaves Hébreux expulsés de la ville sainte migraient en Afrique. Les liens qui uniront Africains et anciens Hébreux en serait la résultante spirituelle des origines. Deux mille ans plus tard,
dans les années 40, Marcus Garvey, le ‘’Moïse noir’’, militant précurseur du panafricanisme, promoteur du retour des descendants des esclaves noirs vers l’Afrique, influencera Ben Ammi et les siens pour retourner sur la terre ancestrale des Back Hebrew Israelites.

​Au États Unis, dès les années 60/70, la population noire américaine est victime de lynchages, d’actes de violences et de racisme. C’est la période des droits civiques pour la lutte contre les discriminations. C’est alors que Ben Carter reçut dans un de ses rêves la visite de l’archange Gabriel. Il lui ordonne de quitter la terre des esclaves que constituent les USA. Ainsi, à la fin de l’année 67, avec 200/300 fidèles, ils se dépossèdent de leurs biens et s’envolent pour le Libéria. C’est la première étape de leur projet avant la terre sainte. Une reconnexion avec leurs racines africaines et, afin de se nettoyer spirituellement de l’oppression subie.

Pendant deux années, ils vécurent dans des camps de fortune. Dans la jungle, en proie à la malnutrition, aux animaux venimeux, (araignées, serpents, fourmis) ils subissent de rudes conditions de vie. Certains mourront de dysenterie, d’autres repartiront aux États Unis.

​En 1967, Israël est marqué par la guerre des 6 jours. Le pays est en pleine expansion. Les conditions de vie des nouveaux migrants venus des pays arabes sont désastreuses.
En 1969, les quelques fidèles restés au Libéria préparent le départ pour Israël dans l’intention d’y mener une vie hautement spirituelle en étroite relation avec la terre des ancêtres. Ben Ammi et son groupe
obtiennent des visas touristiques. Arrivée à Dimona dans le Néguev. Une parcelle de territoire leur
est allouée, qui deviendra le ‘’Village of Peace’’. Ce n’est en réalité qu’un quartier pas plus grand qu’un terrain de football. Il est situé situé à l’est de la ville. Il est fondé sur le modèle kibboutzim : partage, travail en commun, solidarité.
Depuis 1971, ils vivent principalement de dons reçus par les fidèles du monde entier (Ghana, Afrique du sud, USA). Chaque membre reverse une partie de ses revenus au fond communautaire qui permet le fonctionnement des infrastructures et de venir en aide aux plus démunis.
Au centre du village, la place principale accueille les différentes célébrations. Elle abrite également un espace couvert, pour les vendredis de shabbat. Un marché de produits alimentaires et vestimentaires s’installe.
Le restaurant ‘’the Miznon’’, assez réputé dans la région, propose une carte uniquement végan. Toutes
les semaines, les restaurateurs changent. Chaque famille possède ses spécialités. Cela permet de proposer des produits variés et de créer un équilibre monétaire. La communauté suit par ailleurs des règles strictes : ses membres mangent végan, ne portent pas de vêtement synthétique, ne consomment ni tabac ni alcool, privilégient le soin par les plantes et les accouchements naturels et pratiquent des exercices physiques réguliers. Ces règles visent à conserver un corps sain, condition selon eux d’une spiritualité saine.
Ils cultivent fruits et légumes sur des terres acquises aux alentours.

Les enfants suivent un cursus scolaire dans les écoles attenantes au village. Les matières principales sont enseignées par des professeurs israéliens ; les cours d’histoire et de spiritualité par des enseignants de la communauté. Il y a deux bâtiments à l’entrée du village, de la primaire au collège. Ainsi qu’un complexe sportif. Les universités se situent à Beersheva et Tel Aviv pour les futurs élèves.
Ils observent les rituels et fêtes du calendrier hébraïque, le jeun et le shabbat et toutes les autres fêtes.
Ils se réapproprient l’histoire : la sortie d’Égypte des Hébreux devient la sortie des USA, pays de
l’esclavage. Ils ne se considèrent d’ailleurs pas comme Juifs, mais comme Judéens et préfèrent la notion de spiritualité à celle de religion. Ils se revendiquent descendants de la tribu de Judas, une des douze tribus perdues d’Israël. C’est ce refus de se convertir au judaïsme qui explique en partie leur difficulté à obtenir la nationalité israélienne.

Depuis leur installation dans les années 70, ils sont régulièrement victimes d’arrestations pour des situations irrégulières bien que certains soient établis depuis des années. Ainsi comme ils la nomment, la ‘déportation’ de membres de la communauté visant à réduire le nombre de fidèles ne cesse d’augmenter. L’état hébreu tolère de moins en moins la venue de nouveaux migrants. Afin d’assurer un avenir familial, de plus en plus de jeunes adultes font leur service militaire pour obtenir des papiers.
Les membres de la communauté sont environ 2000 sur tout le territoire israélien, 200 à 300 personnes dans le village de la paix. La communauté s’est dotée d’un ‘’Holy Council’’, composé de douze ‘’princes’’. Douze ministres s’occupent quant à eux d’organiser la vie quotidienne de la communauté tandis que des ‘’frères et sœurs couronnées’’ sont en charge d’assurer l’équilibre et l’harmonie au sein du groupe en supervisant notamment les questions professionnelles et éducatives. Enfin, une vingtaine de prêtres est en charge de la vie spirituelle de la communauté.

Dimona est une ville ouvrière du Néguev. Elle a connue un certain succès dans les années 90 pendant la grande immigration des populations venant de l’ex bloc soviétique. Une ville sans charmes, aux bâtiments délabrés,
vestige des utopies urbanistiques des années 70.
Ville au passé radieux, propice au peuplement de zones désertiques pour élargir l’habitat congestionné au centre du pays. Dimona est surtout connue pour sa centrale nucléaire et ses bases militaires. Un endroit devenu
monotone, à fort taux de chômage. Un territoire oublié situé à une trentaine de kilomètres de Beer sheva, plus grande et dynamique, nouveau centre névralgique du sud d’Israël.

En 2015, une rencontre fortuite avec Paul Kane, producteur de musique à Tel Aviv, m’initia au répertoire musical de la communauté de Ben Ammi, jazz, soul. Le groupe ‘’Soul messenger’’ était très actif dans les années 70. Les membres jouaient à certaines cérémonies, rassemblements pour se faire accepter du public israélien.
C’est la toute première fois que j’entends parler des Black Hebrew Israelite. Notre passion commune nous emmènera sur les traces de Ben Ammi et des siens, à Dimona, au village de la paix, dans le désert du Néguev, lieu déshérité de la terre sainte.
Pendant mon long séjour en Israël, je ferai partie d’une chorale, Fanga Israeli African Music Choir orchestré par Hillary, elle-même membre de la communauté. Elle m’aidera à rentrer en contact avec différentes personnalités du ‘’Village of Peace’’. Ce fut au départ laborieux, d’échanges de messages infructueux. Pendant plusieurs mois nos conversations seront stériles sur la venue que j’ai déjà organisée pour le mois de décembre 2022. A quelques jours de mon départ, j’obtiens les quelques formalités pour mon séjour. Le village n’a jamais été photographié dans son intimité. Seul un photographe afro américain, Wendel White, a pris quelques photos en dehors des festivités ouvertes à tous.
Porté par les questions sociales et humaines j’ai réalisé la série Rise to the kingdom (montée au royaume) rendre visibles l’altérité, le singulier, la marge, dans une société portée par l’identité où l’hégémonie tend à exclure toutes autres formes de croyances.
Une société qui projette ses propres angoisses rejette, de façon individualiste, la différence.
Black Hebrew Israelite of Jerusalem communauté spirituelle, bienveillante est connectée à son environnement, monde préservé du consumérisme à outrance. Elle est consciente de l’avenir de l’homme et des futurs enjeux climatiques.
En déconstruire les a priori pour en montrer de façon réaliste un monde qui tente de se préserver d’un avenir mondial incertain et par accointance dans une lutte quotidienne pour l’égalité. Cela me renvoie aux travaux d’Édith Bruder ethnologue.

Outre l’aspect identitaire, c’est le mode de vie et les relations humaines que je développe dans ma vision photographique par le portrait et des photos in situ à l’intérieur de la communauté. Dans la lumière propre au désert, silencieuse et sacrée.

La photographie comme outil de relation entre les mondes, passerelle qui relierait l’homme aux hommes, des Noirs aux Juifs, de la terre élue à l’Afrique libre. De l’ordinaire à l’extraordinaire, dimension humaine où le temps syncrétique se compose dans l’unicité.

Film sur la communauté

 

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