Mario Peliti est un gentleman. Gentleman au sens ancien du terme. Mais c’est aussi un visionnaire fou. Visionnaire est un mot trop utilisé, mais dans son cas, c’est vrai: depuis toujours, il poursuit sa chimère, qui s’appelle photographie. En fait Peliti a deux passions (en effet, plus de deux, mais ici c’est préférable parler de celles plus liées au Journal): la photographie et l’impression. Depuis toujours, il publie avec sa maison d’édition (Peliti Associati, qui travaille de temps en temps in partnership avec Actes Sud) de très beaux livres pour conception et qualité de l’impression. Livres tellement merveilleux qu’ils deviennent nécessaires. Un titre? Voici, ailleurs de Pentti Sammallhati: un noir et blanc doux comme du velours, un livre qu’on feuillet avec le désir de faire glisser les doigts sur les noirs pâteux, les gris chauds, parce que dans les livres de Mario les images ne semblent pas réduites à deux dimensions, on ressent le besoin de toucher à la troisième, c’est à dire la profondeur: vous voyez, elle est là, même si vous ne pouvez pas la toucher.
Détail non négligeable: Peliti produit ces beaux volumes et après il fait (presque) tout parce que personne ne sait rien. Il dit de soi-même, en riant: «Je suis un crypto-éditeur. »
Comme folie semble suffisant.
Mais non. À l’heure actuelle, dans ces années de crise la plus dévastatrice, Mario Peliti décide d’ouvrir une galerie consacrée à la photographie, en plein coeur de Rome. « Exactement au moment où les galeries ferment, » il dit avec satisfaction. Satisfaction non pour la fermeture de concurrents potentiels, bien sûr: il est trop gentleman pour être touché par une telle pensée. Il est satisfait de la nouvelle créature qui a crée avec Paola Stacchini Cavazza, propriétaire de l’espace. Peut-être folle comme lui.
La Galleria del Cembalo, dans le Palazzo Borghese, est une chaîne de salles qui regardent un jardin planté d’orangers et de citronniers, avec des statues, des fontaines des oiseaux, entre Piazza di Spagna et le Tibre: 300 mètres carrés d’une beauté exagérée, décorées de fresques qu’ils pourraient «avaler» tout ce qui est exposé là-bas, sous les hauts plafonds de sept mètres avec les dieux qui observent d’en haut. Et pourtant, les photographies sur les murs existent avec une leur vie, qui interagit avec le poids de l’histoire .
La première exposition est intitulée Passaggi (Passages): 12 auteurs italiens (Olivo Barbieri, Gabriele Basilico, Antonio Biasucci, Luca Campigotto, Silvia Camporesi, Mario Cresci, Ugo Mulas, Alice Pavesi, Paolo Pellegrin, Francis Radino, Moira Ricci et Paolo Ventura). Un mélange de jeunes et «vieux», conçu par Giovanna Calvenzi, qui a décidé de présenter deux differents séries pour chaque auteur, afin de mettre en évidence, comme le titre l’indique, les étapes qui mènent d’une recherche à l’autre, d’une histoire à l’autre.
Les choix sont très intelligentes, parfois étonnantes. Il y a Ugo Mulas avec sa série dedié à Marcel Duchamp et les still-life des bijoux du plasticien Arnaldo Pomodoro ; Gabriele Basilico avec les photos de Shanghai et celles des pavillions des Giardini , à la Biennale de Venise, mais c’est interessant le crédit accordé à des jeunes comme Silvia Camporesi, qui travaille sur les autoportraits, ou Alice Pavesi, qui préfère le portrait. Dans un Pays qui ne donne pas confiance à la jeune génération, c’est une bonne nouvelle.
Mais la chose qu’on apprécie le plus, c’est la délicatesse, l’amour et l’amitié que Mario a mis dans son travail. Les photos de Gabriele Basilico, disparu il y a quatre mois, sont exposés dans la même salle de Francesco Radino, très bon copain de Gabriele. « Je pensais que c’etait une idée gentille», dit Mario, presque gêné par sa délicatesse.
C’est pour ça que Mario est un visionnaire fou: il a une vision de la beauté des images et des sentiments. Il a la folie de continuer à essayer de faire des choses qui n’admet pas autre chose que la beauté et la passion.
Laura Incardona
Passaggi (Passages)
Photos de Olivo Barbieri, Gabriele Basilico, Antonio Biasucci, Luca Campigotto, Silvia Camporesi, Mario Cresci, Ugo Mulas, Alice Pavesi, Paolo Pellegrin, Francis Radino, Moira Ricci et Paolo Ventura
Jusqu’à 28 Septembre 2013
Galleria del Cembalo
Largo della Fontanella di Borghese, 19
00186 Roma
Italie