Il est considéré comme l’un des précurseurs du pop art, au même titre qu’un certain Andy Warhol. Robert Rauschenberg était un artiste aux multiples facettes qui se passionnait pour la photographie et brillait notamment en portrait. Trois ans après sa mort, ce livre le célèbre.
Il n’a jamais choisi entre la peinture et la photographie. Robert Ernest Rauschenberg a pris les deux. Depuis des débuts artistiques en 1947, l’une a toujours influencé l’autre, et vice versa. Car, avant de les créer, l’homme a beaucoup regardé les images. Dans les magazines, les publicités, les livres d’arts – un peu partout – il les a scrutées, analysées, décortiquées, découpées, collées, pour finalement les reproduire dans des peintures, des sculptures ou sur des impressions. A ce moment, Rauschenberg invente par la même occasion un procédé artistique qui transfère la photographie sur une toile au moyen de la sérigraphie. Son imaginaire abstrait le fait s’interroger sur la différence entre les objets d’art et les objets de la vie quotidienne, dans la lignée de l’artiste dada Marcel Duchamp et de son œuvre, « Fontaine ». On est en 1962 et l’artiste prendra avec son camarade et amant Jasper Johns le chemin du pop art américain.
« Je ne fais ni de l’art pour l’art, ni de l’art contre l’art. Je suis pour l’art, mais pour l’art qui n’a rien à voir avec l’art. L’art a tout à voir avec la vie », a-t-il un jour dit. Il y a, entre ses mots, un sens photographique à entrevoir. Avant la période des collages et sculptures d’objets en tout genre, Robert Rauschenberg a été un photographe accompli, mi reporter de rue, mi portraitiste. Robert Rauschenberg: Photographs: 1949–1962 célèbre son œil, plus à l’aise lorsqu’il s’agit de photographier ses amis ou de se mettre en scène lui même. Cet ouvrage livre alors, en plus de quelques paysages et clichés de rue ou d’appartement, une série de portraits d’artistes contemporains. Cy Twombly se mue en objet en posant droit comme un piquet aux côtés d’une statue de main géante, John Cage se voit épié à la fenêtre d’une belle automobile d’époque, Jasper Johns s’épaule contre des publicités sur le trottoir new-yorkais et le danseur Steve Paxton bondit en répétition. Toutes ces images s’accordent comme un journal intime, un peu à la manière des œuvres des photographes qui amènent aujourd’hui la photographie de famille en galerie. Seules la diversité de cadrage ou d’expressions du sujet manquent à la palette de Rauschenberg.
Treize années ont néanmoins suffi à l’artiste pour se construire une carrière en photographie. Une discipline, qui même ensuite subjuguée par d’autres, est restée importante. « Je n’ai jamais arrêté d’être photographe », a-t-il affirmé. Les photographies de Robert Rauschenberg contiennent une nouvelle histoire intime, celle d’un homme avec l’art.
Jonas Cuénin
Robert Rauschenberg : Photographs 1949-1962
Publié le 30 septembre 2011 chez D.A.P./Schirmel/Mosel
240 pages, $75