Rencontres de Bamako, chapitre 5 – Demeure faite de grains de la pluie du déluge
Les Rencontres de Bamako – Biennale africaine de la photographie livrent une édition 2022 de haut vol, centrée sur « sur la multiplicité, la différence, le devenir et le patrimoine ». Notre correspondant Arthur Dayras raconte la cinquième et dernière exposition au Musée de Bamako.
La cantine d’une école, une gare, un mémorial, un centre photographique et deux musées. Les Rencontres de Bamako n’ont rien à envier à celles d’Arles. Elles couvrent la ville, s’intègrent pour certains espaces dans le quotidien des habitants de la capitale malienne ou investissent des lieux chargés de mémoire. La dernière étape conduit en quelques coups de klaxons et de frictions avec la horde de scooters au musée du district de Bamako, aussi appelé musée municipal.
Outre la programmation des Rencontres, le musée abrite aussi une exposition sur les enfants enlevés d’Arnold Grojean, « Problèmes mineurs » (nous y reviendrons). Ce cinquième chapitre des Rencontres se penche sur un corpus d’artistes qui questionnent, au cœur de leurs travaux, la notion de flux. « Ceux-ci peuvent être physiques ou géographiques, traverser des contrées, par-delà les frontières, transcender les temporalités – se déplaçant constamment entre passé, présent et futur ; remettant constamment en question, pour ne pas dire réfutant, la linéarité du temps ; plaidant pour de nouvelles conceptions du temps, autres que celles dites cycliques, en spirale, discontinue ou troublée », affirme le commissaire de la Biennale, Bonaventure Soh Bejeng Ndikung.
Le flux forme une composante évidente des photographies aériennes de l’artiste Uiler Costa-Santos. Ses cadrages verticaux jouent avec les paysages de la baie de Todos-os-Santos au Brésil, ses rivières et ses sols, creux et reliefs, natures et zones portuaires. Ses paysages fluides, dont les zones demeurent difficiles à identifier, forment des abstractions qui peuvent, par bien des aspects rappeler les abstractions de Lionel Sabatté ou la photographie aérienne plus classique d’Arthus-Bertrand.
La notion de fluide paraît moins évidente à saisir dans le court-métrage Mosulu d’Aïcha Diallo (2020). Mosulu signifie femme en bambara, la langue la plus parlée au Mali. Dans cette vidéo, un jeune homme se souvient des femmes qui ont pu compter pour lui-même, et par extension le rôle et le devenir des femmes dans la société malienne. « Quelle est la véritable valeur d’une femme ? » Quelles sont les féminités africaines ? Est-ce une notion singulière ou partagée ? sont autant de questions assez simplement posées par le propos du film.
Il arrive fréquemment qu’une exposition ne tienne que par une seule œuvre. Non que les autres aux murs soient de faible portée ! Non que l’exposition soit mal construite ou déséquilibrée. Mais une œuvre peut crever les yeux, devenir une fascination sinon un porte-drapeau, rester en mémoire et s’ancrer au plus profond. C’est le cas de The home seekers de Salih Basheer. Ce corps noir avachi sur lui-même, assis sur un lit fait, sans grand fard dans sa draperie, suscite une curiosité creusée avec l’attachement du regard. L’image vaut un rêve différent pour chacun, comme une histoire se lit différemment d’un lecteur à un autre. Que dit ce corps fatigué ? Est-ce un avachissement ? Est-ce une fatigue de l’existence ? Est-ce les prémisses de l’amour ? Est-ce son enfermement ? Souligne-t-il une violence ? Ou une simple fragilité ? D’autres questions encore affluent, qui feraient toute une page.
Les Rencontres de Bamako 2022
Musée de Bamako
https://www.rencontres-bamako.org