Nous sommes au milieu d’une impressionnante galerie de portraits : Paul Newman, Jane Fonda, Robert Rauschenberg, Jasper Johnes, Andy Warhol pour n’en citer que quelques uns. Tous ont croisé la route de Dennis Hopper, icône de l’underground artistique californien. Au centre la sculpture « Bomb Drop » entièrement restaurée pour l’occasion que Xaver Von Mentzingen, directeur associé de la galerie Thaddaeus Ropac et co-commissaire de l’exposition (avec Marcus Rothe), actionne spécialement. Réplique à grande échelle rehaussée d’un éclairage à base de couleurs primaires, d’une commande de largage de bombes de la 2de Guerre mondiale que l’artiste avait trouvée dans une décharge et réactivée en guise de protestation contre le Vietnam. Séquence, on tourne.
Quelle est la place de la photographie dans la carrière de Dennis Hopper ?
La photographie est très présente même s’il est passé par plusieurs phases créatives notamment par la peinture avant qu’un incendie ne ravage sa maison de Bel Air. Quand il a commencé sa carrière dans le cinéma, c’est James Dean (la Fureur de Vivre) qui l’a convaincu d’explorer ce médium et sa première épouse qui lui offre son appareil, un Nikon à l’époque. C’est alors qu’il entame une période photographique très intense de 1961 à 67 où l’on retrouve ses amis proches, du milieu artistique qu’il connaissait bien : acteurs, musiciens, artistes, gens de pouvoir dans le milieu de l’art, performers…une période très prolifique. Ensuite il produit Bomb Drop en 1968 puis il y a une coupure. Après il passe par d’autres phases, retourne à la peinture et s’y focalise, la photographie n’étant jamais loin. Mais les photos les plus emblématiques sont bien celles là. Donc pour résumer on peut dire qu’il y a d’abord Hopper l’acteur, le réalisateur et le photographe (avant le peintre). « Je prenais des photographies parce que j’espérais un jour être capable de réaliser des films » déclarera-t-il lui même plus tard.
Quelles sont ses influences créatrices ?
Il traite la photographie comme la peinture. On peut dire que ses images sont composées comme un tableau avec des motifs additionnels. Il est influencé par tous ces artistes qu’il côtoie et qui le fascinent, notamment ceux du courant de l’assemblage californien. Il expérimente d’ailleurs un encadrement noir irrégulier provoqué par l’émulsion. Ses photographies noir et blanc sont toutes à la lumière naturelle et plein cadre pour « saisir la vérité profonde de ses modèles ».
Cette chronique des années 60 a pris une aura particulière, pourquoi ?
Il y a comme une nostalgie de cette époque. C’est la naissance d’une scène artistique dans un lieu qui n’existait pas avant. C’est une sorte de rêve.On voit que tous ces gens sont devenus des personnes connues, ce qui permet de faire le lien avec l’exposition du bâtiment principal telles que Rosenquist ou Rauschenberg. Nous avons affaire de plus à une légende et chaque photographie porte sa signature.
Pourquoi le titre « Life After on Canvas » pour l’installation autour de la performance de 1983, constituée de deux tableaux et un film expérimental ?
L’idée est le symbole de la rupture, rupture avec une vie liée à la drogue et aux excès et d’en faire un « statement » : maintenant je retourne à la peinture. C’est un acte très violent qu’il souhaite immortaliser devant témoins et amis.
Combien de temps avez-vous mis pour réaliser un tel projet ?
Un peu plus de 6 mois en étroite collaboration avec le Hopper Trust. Beaucoup de souvenirs et de documents personnels également ont été rassemblés, la plupart des années 70/80 car il en reste peu des années 60. Il y a aussi fallu obtenir des prêts de collections privées et le temps pour la restauration de « Bomb Drop » a pris à elle seule 5 mois au total.
Avant de partir, dernière petite anecdote qui ouvre sur la séance du film de ce soir : Xaver raconte comment l’artiste a aimé provoquer avec le côté phallique de Bomb Drop devant une assemblée de gens en smoking au Pasadena Art museum, qui ne savait trop comment réagir…
EXPOSITION
Dennis Hopper, Icons of the Sixties (photographs, objects, film)
Jusqu’au 9 janvier 2016
Galerie Thaddaeus Ropac
69 Avenue du Général Leclerc
Pantin
France
Commissariat : Xaver Von Mentzingen et Marcus Rothe
Projection spéciale : première française de la nouvelle version restaurée du documentaire The American Dreamer avec Dennis Hopper,
Un film de Lawrence Schiller et L.M. Kit Carson (1971)Version originale non sous-titrée, 81 min.
Space Age,
exposition collective
jusqu’au 23 décembre 2015