Venise est le lieu magique qui a inspiré ses photos les plus fascinantes. Venise est la ville que Fulvio Roiter a dépeinte en soulignant son histoire avec une impressionnante vivacité de couleurs et en transcrivant sa vie la plus intime avec un noir et blanc spectaculaire. Et c’est à Venise qu’ il est mort, à 89 ans.
Il a quitté Meolo, le petit village sur le continent vénitien où il est né en 1926, afin de rechercher des images que personne n’avait encore jamais prises.
Quand je l’ai interviewé il y a quelques années, dans le charme hivernal du Lido de Venise, il m’a expliqué qu’il pensait que « prendre des photos veut dire créer des images, les sortir de leur contexte, afin de montrer une nouvelle réalité. Et, chaque fois qu’il en prend, le photographe doit être surpris, toujours à la recherche de nouvelles idées ».
Son père lui a offert son premier appareil photo comme un cadeau pour ses bons résultats à l’école. Un cadeau qui a donné à Roiter l’idée que la photographie pourrait devenir non seulement sa passion, mais aussi son travail.
« C’était en 1953, se souvient Roiter, et mon père avait de moins en moins de tolérance pour cette idée. Il m’a laissé un choix difficile : soit revenir à ma profession de chimiste, soit me consacrer sérieusement à la photographie« .
Le choix qu’il a fait l’a mené en Sicile : il a voyagé en vélo, faisant le grand tour avec son appareil photo, un circuit rempli d’émotions visuelles innombrables.
Roiter a pris ses premières photos à vingt ans ; il a ensuite fait partie du club de photographie La Gondola di Venezia à partir de 1949. En 1954, il a publié Venise à fleur d’eau, un livre en noir et blanc qui, comme il l’a rappelé, « est né d’un rêve d’une nuit d’été, une de ces nuits brèves et féroces d’août, quand Venise est engourdie dans tous les pores de ses pierres par la chaleur torride« .
En 1956, il a remporté la deuxième édition du Prix Nadar avec le livre Ombrie. Terre de Saint-François, qui montre une image onirique et poétique du paysage italien. Cet aspect sera une constante dans ses photos et dans les plus de cent livres qu’il a publiés par la suite.
Etant l’un des maîtres qui depuis les années cinquante ont marqué une ère de la photographie italienne, Roiter cherchait toujours dans ses images une extrême puissance graphique, une lumière unique, l’idée de la beauté et un vif intérêt pour la construction de l’espace.
Surtout connu pour ses paysages en couleurs, il était aussi un célèbre auteur de photographie de voyage et de reportage. Il a traversé de vastes territoires et connu une variété infinie d’humanité, à une époque qui semble maintenant à des siècles de distance : la Perse, la Turquie, le Mexique, le Liban dans les années soixante, la Louisiane, la Tunisie, l’Afrique équatoriale dans les années soixante-dix, puis la Birmanie, le Brésil, le Mexique…
Roiter nous fait ressentir le sentiment de l’ailleurs, même à proximité de chez lui : la lagune, la campagne plate et une Venise magnifique qui lui a laissé découvrir sa face cachée, celle que personne n’a encore divulguée. Il a réussi à redéfinir les qualités naturellement photogéniques de Venise d’une manière qu’au moins deux générations de jeunes photographes ont tenté de réinterpréter sur ses traces.