Cette manifestation dédiée à la photographie tente d’innover dans le contexte de centaines d’expositions de photographies qui inondent de nos métropoles jusqu’au plus petit village de nos campagnes. Tout le monde expose des photographies rarement sublimes, souvent très médiocres et sans aucune âme autre qu’un ego revendicatif.
Boris Pierre, nouveau producteur dans ce domaine galvaudé, s’est lancé un vrai défi de faire autrement. Il incorpore sa mise en avant de la photographie dans une sorte d’assemblée culturelle qui regroupe diverses associations de la création culturelle. La particularité de ce rassemblement, autour du village de Lourmarin, c’est qu’il n’y a pas de mélange des genres, de ces incontournables performances, de ces interpénétrations de médiocrités pour, soi-disant, accoucher d’un chef-d’œuvre, heureusement très généralement éphémère.
A Lourmarin, chacun reste dans son domaine et dans la « pureté » créative de son art. La démarche est intéressante. Les actions conjointes restent très transparentes, les sujets traités le sont en toute indépendance. Une série d’images sera la démarche du photographe qui est apposée à une nouvelle d’un écrivain qui s’appuie et traite le même sujet. Mais, à aucun moment l’un interfère sur l’autre, les photographies n’illustrent pas le récit, le texte n’explique pas les images. Il est de même pour la musique, la danse ou les activités sportives. Le public des uns se confronte au travail des autres. L’idée est séduisante, attendons de voir si chacun reste bien dans son domaine et si cette approche peut séduire des visiteurs qui sont plus habitués à du prédigéré par ailleurs.
Revenons à nos photographies, elles sont présentées dans trois lieux de la ville et de ses alentours. Le pôle principal est le grand bâtiment de la fruitière qui a été réaménagé pour en faire un pôle numérique et culturel. Les photographies sont accrochées, sur des ensembles de panneaux, dans une bonne scénographie de Nicolas Havette qui, comme d’habitude, a su faire de bons choix de lecture avec les moyens mis à sa disposition. Le fait que les textes joints ne racontent plus la vie des auteurs et les péripéties ayant présidé à leurs réalisations, mais représentent des œuvres intrinsèques de la littérature, perturbe un peu les visiteurs. Cela fait du bien de sortir des modes du « j’ai pensé pour vous » et de réfléchir devant des créations (même si elles ne sont pas toujours totalement abouties).
L’ensemble des expositions est tiré par l’incontournable Hans Silvester qui expose partout sur le territoire et est de surcroît le régional de l’étape. Ses images qui frôlent le demi-siècle sont toujours excellentes et tirent la manifestation vers le haut.
Ensuite, quelques signatures qui exposent assez régulièrement sont présentes avec des images dont il est difficile de déterminer si elles sont le résultat d’une démarche de l’auteur et/ou d’une volonté d’un, ou de plusieurs, sélectionneurs.
Enfin, je ne suis pas certain que quelques séries apportent un plus aux expositions et aux visiteurs.
Ce n’est que la deuxième édition de cette idée portée à bout de bras et financièrement par Boris Pierre et cette idée-là est vraiment excellente. Cette organisation qui ne fonctionne pas qu’avec de l’argent doit perdurer en face des mastodontes financiers qui envahissent le milieu culturel (avec leurs arrières-pensées). Les choix du producteur s’orientent vers le photoreportage, pourquoi pas ? Dans ce cas, des auteurs sachant maîtriser les techniques photographiques seront bienvenus, le delta entre Hans et les autres le démontre, si nécessaire.
Cerise sur le gâteau, NO(MAD), une revue papier, elle aussi particulière, dont le dernier numéro reprend, entre autres, les expositions 2023 de Réflexivité(s). Que vous soyez chanceux de passer à Lourmarin avant la fin de juillet ou qu’il vous soit impossible d’y venir, l’acquisition de cette revue sera un bon engagement. L’achat sur place ou par internet vous donnera un aperçu d’une des évolutions possibles pour la photographie et le message véhiculé par des images.
Bonne chance à Réflexivité(s), avec un avenir prometteur, qui va certainement pouvoir profiter de son esprit novateur pour aller chercher les talents, authentiques photographes, à mettre en lumière.
Thierry Maindrault
EXPOSITIONS
16 juin 2023 au 30 juillet 2023
Lourmarin
espace Albert Camus
avenue Philippe de Girard & La Fruitière Numérique
avenue du 8 mai 1945
84160 Lourmarin [Provence • France]
Vaugines
ancienne école
route de Vaugines
84160 Vaugines [Provence • France]
du lundi au vendredi de 17h à 21h
samedi et dimanche de 10h à 21h
