GENS DE LUXEMBOURG
C’est parce que son pays et son peuple sont terriblement méconnus, souffrant de préjugés largement véhiculés, réduisant le Luxembourg à une sorte de City opaque et ses concitoyens à une groupe louche de profiteurs de l’évasion fiscale, qu’il a choisi d’offrir à découvrir une réalité bien plus complexe. Il a donc décidé de consacrer trois années de sa vie à photographier la vie de tous les jours, le quotidien souvent attachant, la diversité surprenante d’une population dont la richesse ne s’évalue pas en euros mais en vécu.
Avec une acuité sans complaisance, un regard parfois clinique et non dénué d’humour mais aussi une profonde tendresse, Reuter a capturé l’image de ses semblables, dont la première caractéristique est de pas l’être, semblables. La diversité ethnique, sociale, générationnelle, nationale et linguistique de la population luxembourgeoise avait rarement été documentée avec autant de profondeur. Autant qu’un livre de photographies « Gens de Luxembourg » est un ouvrage sociologique sur une société en pleine mutation, bousculée dans sa torpeur provinciale par des changements industriels, économiques, démographiques mais aussi sociétaux extrêmement rapides.
Ainsi, des années après avoir publié un album consacré au Grand-Duc régnant, sous le titre « Jean de Luxembourg », Raymond Reuter a choisi de publier un livre sur les sans grades, les inconnus, les acteurs du quotidien, sous le titre homophonique « Gens de Luxembourg », confiant la rédaction des textes au Français Claude Frisoni.
Ces « Gens De Luxembourg », leur noblesse n’est pas dans la particule, elle est particulière. Car s’il existe « des gens de la haute », les gens d’en bas sont la multitude qui vit et qui vibre, ils sont l’énergie et l’authenticité, la mosaïque de ceux qui font qu’un village, un parc, une ville, un théâtre, un magasin, un quartier, une salle de spectacle, un marché, une rue piétonne, un train ou un jardin public existent réellement. Vides, tous ces espaces n’ont plus d’essence, donc plus d’existence les gens sont légion ; les gens sont légende.
Et celui qui les croise, les observe, les photographie, celui qui les aime ou les trouve agaçants, qui recherche leur compagnie ou se plaint de leur nombre, qui critique leurs tics et leurs travers ou admire leurs talents et leur hospitalité, celui qui se permet de leur trouver des caractéristiques ou de ne pas leur trouver des traits communs, celui-là fait aussi partie des gens. Il est un parmi les gens. Cette solidarité involontaire le place dans une situation paradoxale et privilégiée. Celle de témoin-acteur, d’observateur-épié, de sujet-objet… Comme un miroir réfléchissant un autre miroir, leurs reflets étant renvoyés de l’un à l’autre jusqu’à l’infini.
« Œil autre œil voit et non soi » dit un proverbe. L’objectif de Raymond Reuter prouve le contraire, qui dit, en tout humilité : je te me vois, je nous te vois, je me vous vois. Je me vous vois… Ce qui, même dans la noblesse est de plus en plus rare !
Après avoir créé sa propre agence de presse fin des années 70 au Luxembourg, il rejoint l’agence SYGMA où pendant une vingtaine d’années il se spécialise dans les cours royales et l’économie. Il publie plusieurs ouvrages sur la Cour Grand-Ducale ou sur ses compatriotes exilés à travers le monde, puis Raymond Reuter se tourne résolument vers la photographie humaniste.
Raymond Reuter : Gens de Luxembourg
Livre édité par LUXNEWS, 200 pages, format 23 x 31, le prix est de 55.-€,
Disponible sur le site www.raymondreuter.com