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Ralph Gibson: L’obsession géométrique

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« En 1959, jʼétais un jeune lieutenant photographe à bord du USS Tanner. À mes heures perdues, jʼexplorais la bibliothèque du navire. Un mince volume attira mon attention. Cʼétait les Quatre Quartettes de T.S. Eliot. Ces poèmes me firent une impression forte et étrange. La cadence des mots suscitait des images qui provenaient de leur position même sur la page. Ce nʼest que dix ans plus tard que jʼai commencé à comprendre Ie véritable sens de lʼenchanement des images sur une page. La succession des photographies dans The Somnambulist était Ie résultat direct et Iʼapprofondissement des sentiments que jʼavais éprouvés des années auparavant, dans la bibliothèque du navire. Les mots-formes dʼEliot sur la page parlaient de bien des façons, précis mais jamais trop littéraux. Jʼétais attiré par ce genre dʼexpérience, et je sais maintenant que cʼétait lʼun des aspects sous lesquels Ie processus créatif devait se révéler dans mon propre travail. II existe sûrement des exemples analogues de ce phénomène. Une exposition de mes tirages dans une galerie ou dans un musée révèle ma relation au médium photographique. On peut immédiatement y voir mon attitude à I’égard de la pellicule, de la lumière, des objectifs et de la manipulation de I’appareil. Un livre, néanmoins, est une autre histoire. Un livre dévoile mes réflexions au sujet de mes photographies et du contexte dans lequel elles sont destinées à être vues. C’est là une distinction importante. Le contexte, comme Marcel Duchamp I’a très clairement montré, fait tout. On percevra d’une façon totalement différente un beau torse nu intitulé « Les seins de Venus », et la même photographie sous le litre « Toujours aucun traitement contre le cancer du sein ». Dans un livre, je peux avoir I’entière responsabilité du contexte des travaux. Le titre informe I’observateur du contexte dans lequel les images doivent être vues. Je peux commencer un projet de livre avec 10 ou 15 images en tout et pour tout. Les premières doubles pages, en général au nombre d’environ quatre ou cinq, donnent le ton de la séquence qui doit suivre. La séquence est alors modifiée par les ajouts d’images plus récentes, au fur et a mesure qu’elles arrivent. Le litre donne le ton et le point de départ du travail à suivre. Cela peut continuer pendant des années; certains projets s’étendent sur toute une vie. Je fais des photographies en France et en Italie depuis plus de 30 ans. C’est également vrai pour le nu. On ne parvient jamais au bout de telles recherches. Alors que le spectateur, dans une exposition de photographies, est libre de se promener à sa guise dans la galerie, un lecteur tient le livre à une certaine distance spécifique de ses yeux, et il est généralement assis dans un fauteuil bien éclairé qu’il préfère. Cette distance du regard est presque toujours la même d’une personne à I’autre. En gardant cela à I’esprit, je suis assuré que certaines relations spatiales entre les images seront cohérentes, et qu’elles seront vues d’une façon semblable par tous les lecteurs. Je peux bâtir sur ce principe.Vient ensuite I’enchaînement des doubles pages, souvent conçu pour créer un récit non spécifique, ou une linéarité elliptique.
L’ensemble des images excède la somme des parties. Les livres peuvent parler de tout, mais lorsqu’il est réussi, un livre est une chaîne ininterrompue de bonnes décisions. »
Ralph Gibson

4 novembre – 11 décembre 2010
Galerie Lucie Weill & Seligmann
Ch. Zalber
6 rue Bonaparte, 75006 Paris

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