La Fabrica a lancé il y a quelques années une collection intitulée PhotoBolsillo, une série de monographies d’éminents photographes espagnols, africains et latino-américains dans un format imitant celui du Photo Poche : des pages de taille réduite reliées par une couverture souple où chaque photographie est mise en page de façon classique et associée à une courte légende. Le portfolio est complété par une biographie du photographe et un texte critique. Pour reprendre les mots de Chema Conesa qui accompagnent l’ouvrage de Rafael Trobat, le travail qu’il développe depuis plus de dix ans au Nicaragua est le fruit de son amour inébranlable pour le pays et ses habitants, qu’il découvre alors qu’il est l’assistant de Cristina Garcia Rodero au début des années 90 et ne cessera de visiter depuis lors. « S’il est vrai qu’on peut découvrir comme dans un miroir le reflet que forme l’ADN vital d’un auteur dans ses photographies, alors on peut voir à quel point Trobat distille de l’empathie et de la bonté envers l’humanité, et cherche dans l’émotion le véhicule pour transmettre le message qui est implicite dans son regard », écrit Chema Conesa en introduction, dans un essai intitulé La pasión sostenida (La passion soutenue). Quand Rafael Trobat découvre le Nicaragua, en 1990, la Révolution a plus de dix ans et Daniel Ortega a disparu du paysage politique. Les mesures libérales du Sandiniste lui ont valu son rejet par le peuple, mais son absence temporaire n’a pas empêché la propagation dans les rues des néons du consumérisme dévorant. L’économie impose des changements culturels et des discordances sociales, mais le peuple n’en demeure pas moins fidele à son tempérament passionné — une règle de conduite qui semble compter autant que la religion. Les contrastes s’enchaînent, aussi tranchés que ceux de ses noir et blanc, chaque événement prenant une aura mystique dans un pays où la religion, bien que contraire aux idées marxistes et laïques révolutionnaires, est solidement enracinée. Les enfants traversent ses compositions en interprétant un large répertoire de grimaces et d’expressions que l’on retrouve sur les visages adultes. La sexualité éclate dans beaucoup d’images, aussi libérée que la joie et la violence qui ébranlent le pays. Rafael Trobat en saisit les signes, jaillissant des situations ordinaires, les célébrations religieuses, les rendez-vous chez le coiffeurs, les soirées arrosées, les maisons de passe et l’animation des rues. L’autorité, politique ou religieuse, est omniprésente, souvent oppressante ou violente, mais l’appétit de vivre semble insatiable : sur une photographie récente, deux jumelles d’environ 7 ans célèbrent leur anniversaire devant une avalanche de muffins qu’elles engloutissent avec délice.
http://tienda.lafabrica.com/en/accessories-ipod/3194-rafael-trobat.html