René Groebli (né à Zurich, Suisse en 1927) compte parmi les photographes les plus emblématiques et les plus innovants de notre temps. De plus, il reste actif dans l’organisation de ses propres expositions à l’âge de 93 ans! Avec sa série d’images publiée en 1949, MAGIE DER SCHIENE (RAIL MAGIC), il s’est assuré une place parmi l’élite des photographes suisses d’après-guerre. Au début des années 1950, Groebli a travaillé comme photojournaliste pour Life, Picture Post et d’autres magazines internationaux et a ensuite ouvert un studio de photographie industrielle et commerciale. Au début des années 1980, il arrête de travailler dans la publicité et redécouvre par lui-même les possibilités d’expression qu’offre la photographie noir et blanc.
Aujourd’hui, au CHAUSSEE 36, un espace de photographie à Berlin, ses photographies couleur à couper le souffle sont exposées pour son exposition personnelle, Farbzauberer / Master of Color, jusqu’au 23 janvier 2021.
Belles et iconiques, les photographies en noir et blanc de René Groebli ont attiré mon attention il y a longtemps, et son exposition actuelle m’a donné une excuse pour le contacter pour en savoir plus sur sa vie, son travail et comment tout a convergé.
Nadine Dinter : La plupart des gens vous connaissent pour votre série, The Eye of Love, que vous avez produite en 1952 pendant votre lune de miel. Mais vous avez commencé beaucoup plus tôt. Quel moment a marqué le début de votre passion de toujours pour la photographie?
René Groebli : En 1943, mon père a acheté un Rolleiflex, mais malheureusement, il n’avait pas vraiment une idée des effets de l’ouverture, de la vitesse d’obturation et de la vitesse du film sur les résultats photographiques. Pour l’aider à comprendre, j’ai étudié la question et j’ai commencé systématiquement à prendre des photos pour démontrer différents résultats. Cela m’a tellement fasciné que j’ai quitté l’école prématurément et j’ai commencé une formation professionnelle en photographie en 1944.
ND : The Eye of Love a été créé à une époque où la photographie de nu n’était pas aussi acceptable qu’aujourd’hui. Comment la stigmatisation de la nudité à l’époque a-t-elle affecté la manière dont vous avez fait connaître la série et la réponse du public?
RG : À l’époque, ma femme Rita et moi étions en école d’art, nous avons donc abordé la nudité dans le contexte de l’art. Pour moi, cette série était un poème d’amour photographique, dédié à ma femme. Une partie du public a réduit le poème à la seule exposition de nudité et a réagi avec choc.
ND : L’une de vos premières œuvres s’intitule Magie der Schiene / Rail Magic, une sélection de photographies dynamiques en noir et blanc prises à Londres, Paris et Bâle en 1949. Comment avez-vous imaginé le concept de cette série?
RG : J’ai voyagé plusieurs fois à Paris dans le train de nuit, et j’ai été émotionnellement touché par le bruit, les odeurs, les nuages de vapeur montés par les machines monstrueuses sur les voies ferrées. Cette fascination a rencontré mon désir d’incorporer explicitement le mouvement dans la photographie fixe. J’ai donc commencé à prendre des photos dans les gares de Paris et des alentours. L’autorisation rare de voyager et de photographier dans la locomotive d’un train express de Paris à Bâle a été le point culminant du projet.
ND : Comme pour de nombreux photographes de renom, Paris a été le décor de nombre de vos brillantes images – représentant des peintres le long de la Seine, des gens assis au légendaire Café de Flore, des hommes dans un parc, en pleine discussion. Vous êtes-vous déjà vu comme photographe de rue?
RG : Je ne me suis jamais vu comme un photographe de rue, car les lieux ont été consciemment choisis et les images sont pour la plupart soigneusement composées.
ND : En regardant votre travail, il semble que vous ne vous êtes jamais limité à un seul sujet. Qu’est-ce qui vous attire dans cette perspective aux multiples facettes?
RG : Mon fort désir d’explorer et d’exploiter le nouveau, et ainsi de repousser les frontières.
ND : À un moment donné, vous êtes passé de la photographie noir et blanc à la couleur. Quel a été le point de basculement?
RG : la publicité exigeait la couleur. J’ai donc expérimenté diverses techniques pour exprimer mes visions personnelles en contrôlant la couleur à travers des manipulations spécifiques. Mon objectif était de réaliser plus qu’une simple documentation.
ND : Votre exposition actuelle à CHAUSSEE 36 s’appelle Farbzauberer / Master of Color. Quelle est l’histoire de ce titre?
RG : En 1957, l’American Color Annual Magazine m’a honoré en tant que «Master of Color».
ND : Qu’est-ce qui vous a apporté le plus de satisfaction créative: votre travail artistique indépendant ou votre travail de commande pour de grandes entreprises comme General Motors?
RG : J’ai pu exprimer mes idéaux artistiques dans des travaux de commande et, vice versa, transférer l’expérience technique que j’ai acquise grâce à eux dans mon travail artistique indépendant. Les deux m’ont apporté une entière satisfaction.
ND : Dans votre photographie couleur, vous avez expérimenté diverses techniques – du transfert de couleurs à l’utilisation de miroirs semi-transparents et d’éclairage spécial. Quelle technique vous a surpris ou aimez-vous le plus?
RG : J’ai utilisé diverses techniques pour visualiser mes idées d’expression personnelle. J’aime celui qui sert le mieux mon objectif spécifique.
ND : Que conseillez-vous à la nouvelle génération de photographes qui essaient de gagner leur vie avec leurs images?
RG : N’essayez pas de copier. Tenez-vous-en à l’appel de votre cœur, travaillez, travaillez dur, devenez et restez autocritique.
ND : Merci, M. Groebli pour la perspicacité et l’inspiration merveilleuses!
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