La 21ème édition du Prix HSBC pour la Photographie, dont la conseillère artistique est Diane Dufour, est remportée par Christian Vium et Marta Zgierska. Christian est un photographe danois de 35 ans, la série qui a été proposée est une cartographie de Nouakchott, capitale de la Mauritanie, elle s’intitule The Nomadic City.
L’Oeil de la Photographie a interrogé l’artiste à la suite de sa nomination et vous dévoile une sélection de son travail.
L’Oeil de la Photographie : Vous venez de remporter la 21ème édition du Prix HSBC pour la Photographie. Quelle a été votre réaction à cette annonce ? Qu’attendez-vous de ce Prix en tant que jeune lauréat ?
Christian Vium : Je suis très honoré d’avoir reçu le Prix HSBC pour la Photographie. J’ai beaucoup de respect pour les membres du jury et il me tarde de collaborer avec l’équipe pour créer une monographie et organiser plusieurs expositions. Le prix HSBC m’offre une opportunité exceptionnelle de faire connaître mon travail, ce qui signifie beaucoup pour moi. Le projet « The Nomadic City » raconte une histoire importante, traitant de l’un des problèmes les plus caractéristiques de notre époque : l’urbanisation. J’espère que ce prix me permettra de prendre part au dialogue sur la question, et d’y intégrer les voix et les images de quelques-unes des nombreuses personnes avec lesquelles j’ai travaillé, qui se battent pour gagner leur vie dans les zones périurbaines.
ODLP : Le Prix HSBC pour la Photographie récompense votre travail « The Nomadic City ». Débutée en 2010, cette série cartographie Nouakchott, la capitale de la République Islamique de Mauritanie. Pouvez-vous nous raconter la genèse de ce projet et nous présenter ce travail ?
CV : « The Nomadic City » est un projet à long terme, que j’ai entamé lorsque je menais des recherches pour ma thèse de doctorat en anthropologie. Il raconte l’histoire de Nouakchott, capitale de la Mauritanie, à travers la juxtaposition ethnographique de mes photos, d’images d’archives, de coupures de presse, d’albums photos, d’extraits de films, d’objets trouvés, et d’un ensemble de publications écrites comme des entretiens, des lettres, des journaux, des notes, des cartes, des bulletins d’information, des articles de presse, des essais anthropologiques.
A l’aide d’un appareil photo analogique moyen format, d’un carnet de notes et d’un GPS de poche, j’ai cartographié la ville de Nouakchott de manière systématique, pour donner une lecture nomade du caractère éphémère de l’urbain dans un seul et même décor : une ville construite ex-nihilo en 1957, qui abrite désormais plus d’un million d’habitants, dont la grande majorité gagnent leur pain de façon nomade, mode de vie aujourd’hui bouleversé par les sécheresses récurrentes dans le Sahara et la région du Sahel.
En mêlant pratiques photographiques et méthodes ethnographiques, le projet offre une vision kaléidoscopique de l’urbanisation, par en-dessous – c’est à dire depuis les marges – en proposant aux habitants de prendre part à l’écriture de l’histoire de la ville.
Je considère ce projet comme historique, en ce qu’il permettra aux générations futures, par l’intermédiaire de l’enregistrement systématique des images par le GPS, de revisiter les lieux photographiés et de constater les changements.
ODLP : Le Prix HSBC pour la Photographie vous promet une année 2016 chargée en actualité avec des expositions itinérantes et la publication d’une monographie, comment appréhendez vous cela ?
CV : Je suis très enthousiaste à l’idée travailler avec toute l’équipe pour créer une belle monographie, qui donnera à penser. Elle mêlera l’approche esthétique et l’approche scientifique, pour offrir un point de vue nouveau sur la question de l’urbanisation, que je considère comme l’une des plus importantes de notre époque. Plus de la moitié de la population mondiale vit désormais dans des zones urbaines. Dans des villes comme Nouakchott, une grande partie des habitants se retrouve chaque jour confrontée à de nouveaux défis dans leur lutte pour mener une vie meilleure, pour eux et leurs familles.
Je crois que la photographie et l’ethnographie ont un rôle à jouer, non seulement car elles peuvent témoigner de ces difficultés et de la transformation du paysage urbain, mais aussi parce qu’elles peuvent les faire connaître à un public divers. J’aimerais que mon travail participe de l’écriture de l’histoire de Nouakchott, depuis le point de vue de ceux qui font la ville – les habitants – dont la plupart vivent en marge de la société. En cartographiant la ville à la manière d’un ethnologue, j’espère donner vie à leurs histoires et produire des archives pour le futur. Qui sait à quoi ressemblera la ville dans cinq, dix, cinquante ou même cent ans ?
J’ai hâte de montrer mon travail à un large public, et d’entendre ce que les gens en diront. En plus de le montrer en France, j’espère pouvoir l’exposer à Nouakchott, pour discuter sur place de l’histoire et du développement de la ville. En tant qu’anthropologue, je considère mon travail comme un dialogue continu. Faire des livres ou organiser des expositions fait partie intégrante de ce dialogue. Si mon travail déclenche chez les gens des interrogations, des questionnements, des débats, alors je suis heureux. Je considère mes photos comme les éléments d’une discussion plus large, sur qui nous sommes, d’où nous venons et où nous allons.
ODLP : Depuis l’an passé, le Prix HSBC pour la Photographie apporte une aide à la production pour la réalisation d’un nouveau sujet. Avez-vous une idée précise du projet que vous souhaitez réaliser ?
CV : Je travaille en ce moment sur plusieurs projets à long terme, et j’en prévois de nouveaux, notamment une série d’interventions urbaines comparatives, basée sur une structure similaire à celle mise en place pour « The Nomadic City ». Le soutien d’HSBC me permettra peut-être de développer encore ma méthode et de présenter mes découvertes non seulement au public, mais aussi à des professionnels qui travaillent dans le développement urbain, les infrastructures, l’urbanisme, l’architecture, la gestion.
ODLP : Qu’est ce qui vous a décidé à présenter ce travail pour ce Prix HSBC pour la Photographie ? Depuis quand connaissez vous ce Prix ? Avez-vous des souvenirs d’anciens travaux primés du Prix qui aurait pu vous donner envie d’y participer ?
CV : J’ai beaucoup de respect pour les membres du jury du Prix HSBC pour la Photographie. Je suis très reconnaissant d’avoir l’opportunité de travailler avec une équipe aussi brillante. J’ai vraiment hâte de pouvoir dialoguer avec eux, et d’apprendre de leur expérience dans le domaine de la photographie et des arts visuels. Je pense qu’ensemble nous pouvons rendre ce travail particulièrement intéressant et stimulant pour le public. J’ai découvert l’existence du Prix HSBC pour la Photographie il y a plusieurs années. Je me souviens de certains ouvrages des éditions précédentes, publiés par Actes Sud. J’apprécie notamment le travail de Mathieu Gafsou (lauréat 2009) dont l’œuvre « Surfaces » me semble liée à celle que j’ai présentée. Noémie Goudal (lauréate 2012) a également fait un travail formidable, que j’ai eu la grande chance de découvrir.