Stéphanie Solinas, lauréate
En 1633 à Rome, Galilée est condamné par l’Église pour avoir défendu la thèse de l’héliocentrisme. Figure exemplaire de la lutte de la science face à l’obscurantisme, on oublie souvent que Galilée est aussi celui qui expulsa du royaume de la physique, pour les reléguer dans celui de l’illusion subjective, les qualités qui sont l’essence même du monde sensoriel : les couleurs et les sons, la chaleur, les odeurs, les saveurs. Ainsi, celui qui explique le réel par l’impossible (la loi contre-intuitive de la chute des corps) invente la science moderne toute entière centrée sur la matière.
Agissant par superposition de temporalités et de représentations, ranimant la porosité entre science et foi, entre visible et invisible, L’Inexpliqué – Revenants explore, à partir de l’expérience sensible des corps, ce/ux qui peuple/nt le ciel.
Dans L’Inexpliqué – Revenants, les corps peints ou sculptés hantent les corps vivants, les astres nous regardent, et Galilée, au temps de son procès hébergé à la Villa Médicis, entre en dialogue avec Thérèse de Lisieux, sainte contemporaine qui aurait été détentrice d’un appareil photographique que j’ai miraculeusement pu emprunter au musée Nicéphore Niepce et utiliser sous le ciel romain. Comme le télescope pour les scrutateurs assidus des étoiles, cette chambre folding en bois m’est devenue appareil de vision, pour retrouver, dans la matérialité même des choses et des êtres, les traces d’un infini.
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L’Inexpliqué – Revenants s’inscrit dans un travail plus global, L’Inexpliqué, qui se déploie en Italie et enquête sur les formes concrètes d’accès au spirituel – les miracles et le processus de leur reconnaissance dans le monde catholique comme point de contact direct entre science et foi, les reliques, les apparitions. Mené notamment à l’Académie de France à Rome / Villa Médicis (pensionnaire 2017-2018), L’Inexpliqué est un travail en cours, qui explore les liens créateurs entre lumière, vision, incarnation, science et croyance.
Stéphanie Solinas (1978-) explore le processus de pensée à l’œuvre dans l’acte de «voir» et le tissage du visible et de l’invisible, de la science et de la croyance, de la dynamique entre le Soi et l’Autre, qui façonne nos identités. Son champ d’investigation s’étend du XIXe siècle au XXIe siècle, de la naissance de la photographie à l’intelligence artificielle.
Depuis 2014, Stéphanie Solinas mène Les Aveugles éblouis, une recherche élaborée comme une cartographie des identités, entre matérialisme et transcendance. Elle ancre ses investigations sur 3 territoires spécifiques : L’Islande, l’Italie et les États-Unis, pour créer 3 ensembles d’œuvres – Le Pourquoi Pas ?, L’Inexpliqué et Devenir soi-même.
Diplômée en photographie de l’ENS Louis Lumière à Paris, docteur en arts visuels de l’Université Panthéon-Sorbonne, Solinas a été artiste en résidence à la Villa Médicis / Académie française à Rome (2017/18) et au Headlands Center for the Arts à San Francisco (2018/19).
Elle est lauréate de la bourse franco-américaine Étant Donnés pour l’art contemporain, du prix SCAM de l’œuvre expérimentale pour son court métrage Ne Me Regarde Pas pour l’Opéra de Paris / 3e Scène, du prix Edouard Barbe.
Pendant 5 ans, Solinas a été professeur de photographie à l’École des Beaux-Arts de Rouen/Le Havre et à l’Institut de Sciences Politiques de Paris.
Elle a publié de nombreux livres et en octobre 2020 le Guide du Pourquoi Pas ?
Stéphanie Solinas a réalisé plusieurs expositions personnelles en France et à l’international : FraenkelLAB et Headlands Center for the Arts à San Francisco, FOAM fotografie museum à Amsterdam, Rencontres d’Arles, Carré d’Art à Nîmes, Musée national Eugène-Delacroix, Société française de photographie, Galerie Gradiva, Fondation La Maison Rouge à Paris, etc. Ses œuvres font partie de collections privées et publiques, entre autres SF MOMA, Pier 24 Photography aux États-Unis, Centre National des Arts Plastiques, Bibliothèque Nationale de France, Musée d’Art Moderne Centre Georges Pompidou, Fonds Régional d’Art Contemporain PACA, Fonds d’Art Contemporain de la Ville de Paris, Collection d’art contemporain de la Seine-Saint-Denis, Musée Nicéphore Niepce en France, Musée de l’Elysée en Suisse, etc.
Thomas Boivin, mention spéciale
« Des gens qui ne se connaissent pas. C’est cette confiance que la photographie garde, c’est cette confiance qui est ensuite offerte au lecteur, et c’est en ce sens que sa signification sociale est la plus forte pour moi. Aujourd’hui encore, au-delà de toutes les préoccupations que chacun peut avoir pour notre avenir commun, voir qu’il est possible de rencontrer un étranger en faisant un portrait de manière aussi libre et intuitive que moi est pour moi à chaque fois un moment de grâce, et une promesse d’espoir». – Thomas Boivin
Thomas Boivin est né en 1983. Vit et travaille à Paris. Diplômé de l’école Supérieure des Arts Décoratifs de Strasbourg, (DNSEP). Depuis 2015, Thomas Boivin expose régulièrement. Home P-11, A flat in Menilmontant est son dernier ouvrage publié aux éditions Homeparkpress, Hambourg.
Le Prix
Créé en 2012, le prix photo Camera Clara est réservé aux artistes qui travaillent à la chambre photographique. Il récompense un travail d’auteur, inédit et présenté en série ou ensemble photographique afin qu’il puisse être jugé sur sa cohérence, tant sur la forme que sur son contenu. A l’heure où un déferlement vertigineux d’images est offert à tous via Internet et représente une richesse indiscutable de communication et de partage , il est aussi incontestable – qu’à côté d’un échange démocratisé de contenus de valeurs – il s’est développé un « à tout va » photographique, très à la mode, qui a entraîné une confusion entre le medium, sa performance et sa qualification d’artistique. Pour la créatrice de ce prix, Joséphine de Bodinat Moreno et la directrice artistique Audrey Bazin, il est apparu essentiel de se positionner en « contrechamp » ou plutôt hors champ des tendances et de faire l’éloge d’une démarche réfléchie et d’une certaine lenteur. En effet par le maniement même de l’appareil, ses contraintes spécifiques, l’artiste choisit de prendre son temps pour collaborer avec la lumière. Ainsi revient-on à l’origine même de la photographie.
Il ne faudrait pas pour autant voir dans l’utilisation de la chambre, une ode au passé ou un procédé à tonalité nostalgique, les dossiers reçus le prouvent chaque année, le travail à la chambre est bien une recherche d’écriture de la lumière aux multiples options. Au delà des qualités de temps de pose, de contrôle des perspectives ou de netteté, les artistes ont en commun cette relation exclusive avec cette pratique et inventent grâce à elle des expressions particulières. Ainsi, pour Vasantha Yogananthan l’utilisation de la chambre photographique l’a amené vers une composition totalement choisie et maîtrisée, tout en l’invitant à regarder le paysage – et ses habitants, plus en profondeur.
Exposition
du 4 au 20 février 2021
Galerie Clémentine de la Féronnière
51, rue saint-Louis-en-l’île, 2e cour, 75004 Paris
www.galerieclementinedelaferonniere.fr