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Prix Carmignac : l’Arctique mise à nue

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Yuri Kozyrev et Kadir van Lohuizen ont exploré le pôle Nord et en ont rapporté un saisissant reportage qui montre les enjeux colossaux de cette partie du monde. Le travail des lauréats de la 9ème édition du prix Carmignac du photojournalisme est exposé à la Cité des sciences et de l’industrie à Paris.

Quatre rennes qui tirent un traineau dans la neige. Au loin, des compères qui avancent en file indienne et disparaissent à l’horizon…Telle est la photographie qui accueille le visiteur venu voir cette exposition. Une photographie de Yuri Kozyrev prise sur la péninsule de Yamal en Russie, là où des éleveurs nénètses mènent leurs bêtes des pâturages d’hiver en pâturages d’été. Cette année, pour la première fois, ils n’ont pas pu achever la transhumance et cela à cause de la fonte du pergélisol. Ainsi sommes nous directement plongés dans ce qui fait la force de cet incroyable reportage proposé par les deux photographes : les effets du réchauffement climatique sur cette région du monde et l’impact sur les populations locales.

Norilsk

C’est un tour du cercle polaire qu’ont effectué Yuri Kozyrev et Kadir van Lohuizen. Le premier, russe, est allé dans son pays d’origine. Le second, hollandais, s’est rendu au Groenland, au Canada et en Alaska aux Etats-Unis. Les deux lauréats de la 9ème édition du prix Carmignac du photojournalisme ont reçu chacun 50.000 euros pour aller pêcher ces images inédites. Ils nous offrent une couverture colossale de cette zone méconnue et qui a tant d’enjeux…En Russie, Yuri Kozyrev nous présente d’abord les immenses usines qui tournent à plein gaz au milieu d’une terre glacée, comme à Norilsk, 180.000 habitants presque tous employés dans le plus vaste complexe minier et métallurgique du monde. Ici, c’est une usine de nickel qui vient de fermer ses portes après avoir craché pendant des années 350.000 tonnes de dioxyde de soufre par an. Là, à Sabetta, c’est l’une des plus grandes usines de liquéfaction de gaz naturel du monde, construite par Novatek en collaboration avec Total. Là, à Mourmansk, c’est une centrale nucléaire flottante qui va bientôt changer de port d’attache.

Mammouths

Tout un monde insoupçonné est révélé par le photographe. Des chasseurs de défense de mammouths viennent d’en trouver une et vont pouvoir la vendre à un prix qui remboursera largement leur expédition. Une jeune femme en robe rose pose devant un lac gelée à Nadym, ville de 47.000 habitants. La légende nous apprend qu’elle vient de fêter avec ses amis la fin de l’année scolaire. Portrait des habitants des lieux qui sont les premiers touchés par le réchauffement climatique. Ici, en Arctique, il atteint des records. La banquise a perdu la moitié de son volume depuis 1979. Pour la première fois, en 2010, un porte-conteneurs a été le premier au monde à traverser l’Arctique via le passage du Nord-Est, de Mourmansk à Shanghai, sans l’assistance d’un brise glace, et en à peine un mois. Dans le grand Nord, les routes se dégagent car la glace est en train de fondre à une vitesse jamais vue et tous les pays frontaliers serrent les dents en attendant d’investir cette partie du monde extrêmement riches en divers ressources.

Tourisme

Cette fonte des glaces cause évidemment une montée des eaux. Une catastrophe pour les peuples du littoral. Kadir van Lohuizen a photographié ce village en Alaska : Kivalina. Là-bas, les gens n’ont pas d’eau courante et doivent s’approvisionner au robinet communal. En 2025, selon les prévisions des scientifiques, le lieu sera sous l’eau. Les habitants voudraient déménager 12 kilomètres plus loin, mais le budget total est estimé à 100 millions de dollars et il n’est pas encore réuni…Tragédie d’un compte à rebours qui a déjà commencé. D’autant que cette partie du monde comme nous le montre Kadir van Lohuizen est aussi menacé par le tourisme. Un tourisme « de la dernière chance » qui vient pour regarder un monde en train de disparaître et participe, malgré lui, à cette disparition. Les plus à plaindre sont ces populations locales qui voient leurs traditions impossibles à maintenir, comme ce chasseur de baleine, un harpon à la main, dressé au-dessus d’un bloc de glace et qui guette une proie. Son village a l’autorisation de chasser, à raison de dix par an, des baleines boréales. Mais à cause de la fonte des glaces, les baleines sont plus libres de leurs mouvements et il devient plus difficile de les chasser. Ces populations inuits utilisent les grands os des mâchoires des baleines pour marquer les limites du cimetière villageois. Une étonnante photographie de Kadir van Lohuizen en atteste : on y voit des corbeaux danser dans les airs autour de ces os dressés au milieu d’un désert de neige.

Jean-Baptiste Gauvin

 

http://www.fondationcarmignac.com/fr/photojournalisme/la-mission

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