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Portrait de Erich Hartmann

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Erich Hartmann (1922 -1999)

Renommé pour sa pratique photographique dans le domaine des arts, des paysages industriels et des merveilles de la technologie, Erich Hartmann laissa derrière lui, après une vie passée à exercer le métier de photojournaliste, une œuvre riche et variée. Invité en 1951 à rejoindre Magnum Photos, la coopérative internationale de photojournalistes free-lance fondée en 1947 par Robert Capa, Henri Cartier-Bresson, David Seymour et George Rodger, Erich siégea pendant des années à son conseil d’administration et en fut le vice-président et le président.

Né en Allemagne, il passa son enfance dans la charmante ville de Passau, sur le Danube. Lorsque la menace nazie se fit tangible dans le courant des années 20, sa famille s’enfuit pour rejoindre ce qu’elle pensait être l’anonymat de la métropole de Munich, pensant que la folie politique de l’époque allait se résorber. Ils ne purent cependant se cacher et ils n’ont du de ne pas partager le sort de la plupart des juifs allemands et européens qu’à un affidavit d’un de leurs parents éloignés qui leur permit d’émigrer aux États-Unis. Erich avait tout juste seize ans et fut pendant un temps le seul support de la famille en Amérique, puisqu’il était le seul de cinq (les parents et trois enfants) à parler couramment Anglais. Quand les États-Unis entrèrent en guerre, il s’engagea dans l’U.S. Army et passa les années de guerre sur les champs de bataille d’Europe, débarquant en Normandie et combattant en France et en Belgique, survivant de justesse à la bataille des Ardennes. À la fin du conflit, il se vit attribuer un poste d’interprète pour les Cours militaires à Cologne.

Lorsqu’il fut libéré par l’armée, il vint à New York, où nous nous rencontrâmes dans la maison d’un ami commun et nous mariâmes bientôt. Il trouva du travail comme assistant d’un photographe de portrait travaillant souvent pour les Nations Unies alors balbutiantes et j’étais éditrice dans une maison d’édition. Au moment où il devint associé chez Magnum, il travaillait déjà en free-lance, réalisant d’abord des portraits d’auteurs pour des éditeurs, avant de travailler sur des missions pour divers magazines. Ses premiers portfolios couleur dans le domaine des sciences et de l’industrie (The Deep North et The Saint Lawrence Seaway, parmi d’autres) pour Fortune mirent en évidence son approche artistique unique.

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En plus de ses missions, qui impliquaient de nombreux voyages sur tous les continents excepté l’Antarctique, et des « images personnelles » réalisées quasi-quotidiennement, il avait certaines obsessions secrètes, telles que son projet Our Daily Bread qui résulta en une exposition majeure en 1962 et finit par donner un livre en 2013. D’autres obsessions naquirent de sa curiosité pour les possibilités photographiques nées des rencontres de hasard, ainsi de sa découverte d’une usine de mannequins à New York. Sur place, il photographia les mannequins tels qu’il les trouva sur le sol de l’usine, et réunit ses clichés au sein d’une exposition que les critiques trouvèrent « inquiétante et saisissante ». Il était captivé par le nom, « Mannequin Factory », une foule de corps identiques évoquant l’impersonnalité et l’anonymat de la vie moderne, comme un miroir de notre temps. L’un des critiques trouva que ces photographies faisaient écho aux camps nazis et aux dictatures orwelliennes peuplées d’automates impersonnels. Des années plus tard, Erich réalisa pour un magazine allemand un essai photographique intitulé 1984. On peut y voir le souci permanent que lui donnait l’aliénation de notre époque ; Alienation fut en fait le titre d’un de ses premiers travaux pour un magazine. Un autre critique écrivit à propos d’une photographie d’un carton de bras en plastique qu’elle « suggérait Buchenwald ». Cette similarité montre la longue lutte personnelle d’Erich pour traiter des camps de concentration nazis et du sens qu’ils pouvaient prendre comme aboutissement d’une politique de déshumanisation.

Vers la fin de sa vie, il documenta les ruines de ces camps de concentration et de la mort lors d’un voyage hivernal que nous fîmes tous deux à travers l’Allemagne, l’Autriche, la France, les Pays-Bas, la Tchécoslovaquie et la Pologne. Le livre qui en résultat, In the Camps, fut publié en 1995 aux États-Unis, au Royaume-Uni, en France, en Allemagne et en Italie ; l’exposition de ces photographies a été montrée dans plus de vingt lieux en Europe et outre-Atlantique.
    
Un sujet qu’il choisit de ne pas photographier fut la guerre, même s’il se rendit au Vietnam pendant les années de conflit. Sa mission alors était d’accompagner la délégation du Fellowship of Reconciliation, un groupe qui consacrait ses efforts à résoudre le conflit.

Il y avait, dans un magasin de réparation photographique de Manhattan, un magicien appelé Marty Forscher. Chaque jour, des photographes célèbres et pressés s’asseyaient patiemment sur un banc à l’extérieur du magasin, attendant de pouvoir présenter leurs appareils abîmés dans l’espoir que Marty pourrait effacer les dommages produits par les chocs, l’humidité, le temps et l’usure naturelle.    

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Sa première exposition, au musée de la ville de New York en 1956, consistait en vingt-cinq photographies du pont de Brooklyn et de ses alentours. Sa dernière mission pour un magazine, publiée de manière posthume par le magazine allemand FOCUS en 1999, était un portfolio couleur sur les ponts de Manhattan. Il était revenu à la case départ, après une vie passée à voyager pour photographier une grande variété d’entreprises humaines, pour enregistrer une dernière fois la beauté architecturale et le symbolisme des ponts qui connectent l’île de Manhattan, sa maison d’adoption, au reste du monde.

Lire le portrait dans son intégralité dans la version anglaise de L’Oeil de la Photographie.

© Ruth Bains Hartmann, 2013

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