Le Festival Planches Contact fête sa quinzième édition ! Du 19 octobre 2024 au 5 janvier 2025 prochain, le festival de photographie de Deauville investit toute la ville pour former « un voyage entre histoires, rêves et poésie ». Voici le mot introductif de Laura Serani, directrice artistique du festival :
La 15e édition confirme les orientations de ce Festival unique, basé sur l’aide à la création, la production et le principe de présenter des expositions inédites, issues de travaux réalisés par les photographes invités en résidence. Initié et soutenu par Philippe Augier et la Ville de Deauville, avec un engagement constant et enthousiaste, Planches Contact a grandi sous de bonnes étoiles. D’année en année il a élargi son territoire, le nombre de photographes invités et le panorama des champs explorés, il a investi davantage Deauville et l’espace public et tissé un réseau de partenariats actifs permettant aux artistes de présenter ensuite leurs travaux aussi au-delà et ailleurs.
Véritable laboratoire d’expérimentations diverses, Planches Contact permet d’approfondir des recherches ou d’en initier de nouvelles. Le Festival est l’espace d’une réflexion permanente, autant sur les moyens d’expression de la photographie, que sur les façons de la présenter, avec une attention toute particulière à sa restitution à travers une scénographie appropriée et originale. Mais il est aussi un lieu de réflexion sur l’état du monde et d’exercice de résistance, par la création de réalités parallèles par l’ouverture et le questionnement.
Depuis nos « postations » privilégiées, on assiste à l’élargissement de guerres et conflits, nés – comme d’autres tristement célèbres – pour être des « guerres éclair », qui se poursuivent avec violence et cruauté contre toute logique et toute pensée humaniste. La solidarité internationale semble plier devant raisons d’état et lois économiques inexorables, la peur et le sentiment d’impuissance risquent de nous égarer et de légitimer l’inacceptable.
L’expérience vécue à Deauville en cette période triste a permis de pouvoir partager espaces et moments de liberté créative dans une sorte de communauté engagée à repenser le monde et à le donner à voir tel qu’il est, ou qu’il pourrait être. La cohabitation en résidence de photographes de provenances, d’âges et d’horizons différents, avec des intérêts et des pratiques qui investissent le champ du possible, produit échanges et partages dans un esprit d’ouverture et de solidarité peu ordinaires et précieux. Une communauté se créée chaque fois et rejoint celles des années précédentes… Un petit « cercle vertueux » où, dans des dynamiques positives, de nouveaux projets sont nés comme des lucioles dans l’obscurité.
Encore cette année, plus de vingt photographes venus de toute l’Europe, d’Afrique, des Etats-Unis et de Chine, ont partagé cette expérience hors normes, en confrontant, lors des résidences, leur vision du monde et leur façon de la restituer. Autant de projets sous la forme d’installations, expositions et projections, de la plage jusqu’aux Franciscaines, véritable phare de culture, permettent au public de voir autrement. Qu’il s’agisse d’une relecture de l’Histoire, de questions de société ou intimes, le regard des artistes continue à ouvrir des fenêtres sur le monde alentour autant que sur des mondes intérieurs.
Toute la programmation repose sur une relecture, très souvent poétique, du réel, et sur la nécessité d’en rappeler l’histoire, les origines et la magie.
Niveau Zéro, l’exposition de Dominique Issermann sur la plage, ouvre le bal avec nostalgie et élégance.
Après les expositions de Robert Doisneau et Malick Sidibé, Raymond Depardon, Martin Parr, Koto Bolofo, Peter Lindbergh et d’autres légendes, la grande installation sur la plage est dédiée à Dominique Issermann. Éblouis depuis ses débuts par l’élégance de ses photographies de mode et ses portraits pour lesquels elle est reconnue comme l’une des photographes les plus importantes de notre temps, on découvre ici, dans un contexte inédit, des images représentatives et parfois moins connues de son parcours exemplaire. Portraits, silhouettes et paysages, réminiscences ou mirages, tels une calligraphie, dessinent sur la plage le récit d’un rêve.
Les artistes en résidence ont tous traité le territoire avec des projets et des résultats étonnants, en explorant les frontières du temps, du genre ou de la mémoire, entre réalité et fiction. À l’attention et la fascination de Phillip Toledano pour l’Intelligence Artificielle, le Festival consacre la première grande exposition de son tout récent travail Another America, réécriture surprenante de l’Histoire américaine qui sera présentée en même temps que We Are at War. Cette dernière série, réalisée en résidence, oscille toujours entre faits historiques et fake news en pleine époque complotiste.
Grand écart, de l’IA à la réappropriation des techniques anciennes, avec le retour à l’utilisation de la chambre et aux recherches en laboratoire, par beaucoup de photographes ; de Sara Imloul avec son récit sensible sur la mémoire de l’eau, aux recherches de Julien Mignot sur le passage du temps et sa perception. Éric Bouvet, invité en résidence avec la fondation photo4food, précieuse amie du Festival, a développé son grand projet sur la France, portrait social et politique des Français. Avec une étape normande, l’artiste est parti, sur son vélo, à la rencontre des habitants de la région.
Patricia Morosan a focalisé ses recherches sur mémoire et transmission sur les falaises des Vaches Noires, site géologique extraordinaire, que l’on retrouve dans l’exposition à travers photographies, lithographies, films et dessins. Alessandro Calabrese a été invité, après Joan Foncuberta, Carolle Benitah et Salvatore Puglia, a continuer les interventions et la relecture des collections muséales de la ville.
Richard Pak revient à Deauville en « voleur d’îles » et Bettina Pittaluga se glisse dans l’intimité des habitants de la Normandie pour une série de portraits sensibles et suggestifs. Coco Amardeil a relevé le défi d’inventer un abécédaire normand drôle et décalé pour le ravissement des petits et des grands. Huang Xiaoliang, invité grâce à un nouveau partenariat avec l’association Yishu 8, à l’origine d’un programme de résidences pour artistes, a projeté ici son théâtre d’ombres à la technique subtile. Le Festival présente également une sélection de ses précédents travaux, peintures et films.
Autre nouveauté, le lancement d’une résidence photographie et musique qui donnera lieu à la production d’un spectacle original présenté pendant le Festival. Alisa Resnik, déjà reçue en résidence en 2019 et David Bryant du groupe canadien iconique Godspeed You ! Black Emperor, accompagné des images de Michael Ackermann, Lorenzo Castore et Klavdij Sluban, ouvrent cette nouvelle aventure.
Enfin, à l’occasion des 70 ans de la Fnac, le Festival présente une grande exposition collective sur le thème des vacances, issue d’une sélection de photographies de la collection Fnac, de Jacques Henri Lartigue à Martin Parr.
Laura Serani
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