Extrait de l’essai The Commons in the Age of Its Technological Reproducibility par Walead Beshty dans le livre accompagnant l’exposition.
Malheur à ceux qui, jusqu’à la fin, insistent pour réglementer le mouvement qui les dépasse avec l’esprit étroit du mécanicien qui change un pneu. – Georges Bataille
SUR LA PHOTOGRAPHIE
Je vais commencer par une note sur une exclusion. L’exclusion d’un terme, à la fois tenace et creux, qui a pesé sur la majorité de mes activités professionnelles. Un terme qui, en langue vernaculaire, peut être utilisé pour décrire (et mal décrire) une grande partie des éléments de ce livre et de l’exposition qu’ il accompagne; un terme qui peut très bien apparaître dans ce volume avec une fréquence plus grande que tout autre. Bien qu’il ait codifié un certain nombre de débats importants au XXe siècle, inspirant certains des écrits les plus ambitieux et fondamentaux sur l’esthétique dont de nombreux exemples sont inclus ici – sa pertinence semble maintenant profondément limitée. C’est un terme dont l’apparence factuelle est plus précis ou provocateur, c’est-à-dire qu’il ne décrit pas avec précision un ensemble de pratiques que nous pourrions appeler une discipline (car il est trop archaïque et arbitraire dans ses inclusions et exclusions, trop dispersé dans ses méthodes), ni conceptuellement utile. Car il n’offre ni trajectoire développementale stable, ni fournit-il un cadre – un dispositif dans lequel on peut rassembler des objets et des idées et les regarder avec la complexité ou la spécificité qu’exige notre monde contemporain.
Au lieu de cela des liens arbitraires relient des objets disparates dans des conditions radicalement différentes de production et de réception, tout en produisant des distinctions entre les choses qui sont mêler historiquement et technologiquement. En bref, le terme échoue aussi bien pratiquement qu’ épistémologiquement. Depuis plus d’une décennie, je suis ramené à lui encore et encore dans mes tentatives de comprendre sa persistance dans la recherche et dans l’art; j’ai écrit maintes fois sur les prédispositions organisationnelles qui le perpétuent, les problèmes intellectuels qu’il favorise, et les pratiques esthétiques qu’il obscurcit ou rend illisible. C’est un terme qui je l’espère ce volume me permetra de laisser derrière moi comme une catégorie mineure pour être absorbé dans un historique plus large, convaincu que la riche complexité qu’il asphyxie a été abordée, du moins en partie.
Walead Beshty
Picture Industry : Une histoire provisoire de l’image technique, 1844-2018
Jusqu’au au 6 janvier 2019
Luma Arles
Parcs des Ateliers
45 Chemin des Minimes,
13200 Arles
