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Photomed Liban 2015 :

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Les photographies de Serge Najjar nous offrent à voir une réalité abstraite, faite de jeux sur les formes, les couleurs, les ombres et les matières : «Je vais vers l’inconnu trouver une architecture qui m’interpelle », explique-t-il pour présenter son rapport à l’image. Le Libanais aux yeux clairs voit la photo avant de la prendre. Il imagine le cadre souvent en carré « car [il a] commencé par poster [ses] photos sur Instagram », puis il attend le moment propice, une présence humaine qui viendra donner une touche réelle à ses compositions abstraites. « Si ça ne marche pas naturellement, raconte-t-il, j’entre en contact avec un passant. » Pour sa photo Raining Shadows prise à Batroun dans le nord du Liban, il arrête un homme, lui donne un parapluie et lui demande de s’envoler. D’abord interloqué, l’homme s’exécute. Cela donnera une photo aérienne, où le corps paraît flotter dans un univers aseptisé, alors qu’il s’agit en fait d’une route blanche sur fond de mur blanc. « C’est le côté ludique de la photo qui me plaît ; assez parlé de guerre et de choses négatives, regardons notre pays avec un petit sourire », propose-t-il à ses concitoyens libanais. Lui-même avoue avoir découvert sa ville et son pays d’un œil neuf grâce à ses divagations photographiques.

Passionné jusqu’à l’obsession, il confie passer ses week-ends à sillonner son pays à la recherche d’une architecture qu’il pourra exploiter dans son objectif, préférant les endroits où l’on ne va pas forcément et les matériaux bruts, comme le béton. « Je vais du réel à l’abstrait, en utilisant ce qui existe déjà, sans retouche », précise-t-il, à la volée sans flash ni pied « comme un photographe de rue de l’architecture ». Un style qui plaît, ce qui n’a de cesse de l’étonner. Car Serge Najjar est un autodidacte. Avocat de formation, il est piqué par la photographie il y a trois ans et demi. Il se lance d’abord sur son téléphone portable, jouant sur les perspectives et les contre-plongées ainsi que sur l’aspect déformant de l’objectif de son téléphone. Des expériences qu’il publie sur son compte Instagram. Le succès est immédiat mais tellement inhabituel qu’il est même contacté par le directeur de la plateforme, qui souhaite publier une interview de lui pour découvrir qui se cache derrière ces photos qui font le buzz. Avec 220 clichés publiés, Serge Najjar comptabilise aujourd’hui près de 36 000 followers. Une galerie le contacte par la suite et lui propose de l’exposer. « J’étais complètement perdu. J’ai été éduqué à l’art part un père amoureux de peinture, mais je ne me savais pas capable de créer. Une fenêtre s’ouvre alors face à cet être qui somnolait en moi », raconte-t-il. Il est aujourd’hui représenté par la galerie allemande Tanit qui possède une branche au Liban. Il a déjà participé à Paris Photo en novembre de l’année dernière, avec cinq clichés, et il est exposé dans le cadre de Photomed après avoir remporté le concours libanais de l’édition 2014. « Je suis flatté de voir des gens regarder mon pays à travers mes yeux et aimer ça. Finalement c’est une sorte de thérapie, une manière de mettre de l’ordre dans le chaos du Liban. » Toujours en quête de nouvelles techniques, il a appris à développer ses photos lui-même, une sorte de quête inversée qui l’a mené de la photographie mobile à l’argentique « plus réel face au besoin de toucher pour créer ».

Ce passionné ne se voit pas pour autant tout quitter pour en faire son métier. « Je préfère garder ce feu en moi, j’ai peur qu’il ne s’éteigne. Je suis toujours en quête de la photo que je n’ai pas pu prendre, parce que ce n’était pas le bon moment. » Faire de la photographie pour son loisir augmente son plaisir. « Si j’en vivais, je perdrais peut être un peu de ma liberté. » Pas d’autre exposition prévue cette année, « je veux retomber sur terre et reprendre mes pérégrinations, loin de l’agitation », confie-t-il dans la salle bondée en ce jour d’inauguration de Photomed à Beyrouth et alors que les invités se pressent pour le féliciter.

 

EXPOSITION
Réalités Abstraites
Serge Najjar
Dans le cadre de Photomed Liban 2015
Jusqu’au 11 février 2015
The Station, Jisr el Wati
Beyrouth
Liban

http://photomedliban.com/

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