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Ara Güler ‘L’Oeil d’Istanbul’ est mort

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Le photographe légendaire Ara Güler, surnommé L’Oeil d’Istanbul, est mort la semaine dernière d’un arrêt cardiaque à l’age de 90 ans. Voici l’article que nous avons publié l’année dernière à l’occasion de la sortie du livre sur sa vie.

Au fil des pages de ce livre narrant la vie d’Ara Güler, photographe légendaire, vous découvrirez également 80 années d’histoire de la Turquie.

Vous retiendrez votre souffle pour suivre les histoires incroyables qu’Ara Güler a vécues, courant après les guerres, les coups d’État, les désastres, les civilisations et les gens qui ont changé la face du monde. Ces pages témoignent des efforts et du prix qu’a dû payer ce grand maître afin d’être au bon endroit au bon moment…

Dans la lignée d’Alfred Stieglitz, Ansel Adams, Edward Weston, Henri Cartier-Bresson, Paul Strand, et de tous les représentants du mouvement réaliste en photographie, Ara Güler, qui a grandi sur le sol turc, a largement mérité de figurer parmi ces noms légendaires. Ses interviews-photo sont devenues célèbres, car il braque son objectif sur l’individu et le photographie sans éliminer la réalité qui l’entoure, et tout en réussissant à insuffler dans ses œuvres une dimension proprement esthétique.

Le rédacteur en chef de l’agence Magnum, James A. Fox, a décrit Ara Güler en ces termes « Avant tout, c’est un homme généreux, élégant et vif d’esprit. C’est un des meilleurs raconteurs d’histoires que je connaisse. Comme beaucoup de photojournalistes célèbres, sa vie regorge d’anecdotes truculentes. Ce sont les mémoires vivantes du siècle, et on ne les rencontre jamais en vidéo et seulement partiellement en photos ».

Quand on écoute Ugur Mumcu, le maître du journalisme d’investigation en Turquie, Nezih Tavlas était un choix qui s’imposait pour rassembler les “mémoires vivantes” de ce géant pour écrire sa biographie : « En Turquie, les personnes impliquées dans le journalisme d’investigation se comptent sur les doigts de la main. Et ce n’est pas un domaine très développé. Nezih Tavlas en est l’un des rares représentants ».

Nezih, au terme d’un dur labeur, a brillamment relevé le défi. Je les ai présentés l’un à l’autre. Ils ont tout de suite été sur la même longueur d’onde, peut-être parce qu’ils sont tous les deux journalistes. Ara Güler, réputé pour être difficile d’accès, s’est immédiatement déridé, et il a fait quelque chose qu’il n’avait encore jamais osé faire : il a ouvert son cœur et ses archives. Il lui a confié ses lettres, son travail, ses carnets de notes, tous ces souvenirs qu’il n’avait jamais partagés avec quiconque jusque-là. Et j’ai eu le plaisir d’assister à leurs débats, fondés sur une confiance mutuelle immédiate et souvent accompagnés par le rire.

Il ne faut pas croire pour autant que ça a été un processus aisé ! Il n’y a pas eu de « Ara raconte et Nezih écrit. » J’ai vu de mes propres yeux Nezih travailler pendant des jours à la bibliothèque nationale, la bibliothèque de la Turkish Historic Society, pour faire des recherches sur un seul mot prononcé par Ara. En consultant la partie “références” à la fin du livre, vous comprendrez ce que je veux dire. Ils n’avaient pas l’occasion de se voir chaque fois qu’ils l’auraient voulu, parce qu’ils n’habitaient pas la même ville. Aussi Nezih prenait-il ses week-ends et son congé annuel afin de saisir la moindre opportunité de rendre visite à Ara Güler, et lorsque ce n’était pas possible, il lui téléphonait pendant de longues heures. Et en plus de ça, il faisait toujours ses devoirs concernant la période sur laquelle ils travaillaient. Il rassemblait des coupures de presse de l’époque, des tickets, des carnets, des photos, tout ce qu’il trouvait permettant de faire remonter les souvenirs, et les ajoutait à son dossier. Tel un détective, il posait des centaines de questions, afin d’éclaircir le moindre détail. Et même si parfois Ara perdait patience, la méthode de Nezih a permis de mettre en lumière de nombreuses thématiques, et de les classer par ordre chronologique. En fait, cela a produit un précieux apport de documents qu’Ara ne possédait pas dans ses archives.

Pendant les entretiens, qui ont duré des heures, des jours, même, et que j’ai observés avec grand intérêt, j’ai souvent entendu Ara s’exclamer avec surprise : « Mais comment tu sais ça ? » ou « Qui t’a raconté ça ? ». Il y avait des sujets que Nezih abordait sur lesquels Ara lui demandait de ne pas écrire, et il a respecté ses demandes.

Nezih, qu’Ara présentait à tous comme son biographe, fait partie de ces gens qui n’aiment pas voir leur nom et leur personnalité donnés en pâture au public, et c’est la raison pour laquelle il m’a chargé d’écrire la préface de son livre, me demandant de transmettre ses remerciements à tous ceux qui avaient été impliqués dans sa réalisation.

Je suis ravi de vous confier l’histoire de cette légende qu’est Ara Güler, avec qui j’ai eu l’honneur de travailler pendant dix ans. À chaque page vous sentirez l’extraordinaire sens de l’humour du maître dans sa vision de la vie, et vous aurez la preuve que les cadrages inoubliables qu’il a gravés dans nos esprits ne sont pas simplement dus au hasard ou à des coïncidences.

Hasan Senyuksel

Hasan Senyuksel est commissaire d’exposition, consultant en photographie et représentant de Magnum Photos en Turquie.

 

Photojournalist: The Life Story of Ara Güler
de Nezih Tavlas
édité par CreateSpace Independent Publishing Platform
Distribué par Amazon
12 $

https://www.amazon.com/dp/B06VT8PN31

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