Dirigée par la journaliste Alison Stieven-Taylor, la série d’entretiens filmés « Le Photojournalisme aujourd’hui » se poursuit avec un cinquième épisode, consacrée à Anastasia Taylor-Lind, photo-journaliste vivant à Londres.
Jusqu’en 2020, Taylor-Lind fut constamment en déplacement, voyageant régulièrement en mission pour ses principaux clients, les journaux National Geographic et TIME. L’année dernière, le COVID-19 a mis un terme aux voyages de la plupart d’entre nous, ce qui a permis à la série « Le Photojournalisme aujourd’hui : Entretien avec… » d’éclore. Je souhaitais saisir à quel point la pandémie avait touché les indépendants, d’où cette conversation avec Taylor-Lind. Comme évoqué pendant l’interview, Taylor-Lind a utilisé ce temps d’arrêt pour travailler à la prochaine étape de son projet à long terme, Ukraine : 5km from the Frontline.
L’intérêt de la photographe pour l’Ukraine germe en 2014, alors qu’elle se trouve en reportage pour National Geographic, documentant la faible espérance de vie des Ukrainiens. Lorsqu’elle est arrivée à Kiev, la guerre bat son plein et ses contacts ne s’avèrent plus en mesure de l’aider. Au lieu de rentrer chez elle, elle s’installe dans un studio de fortune en lisière de la place Maïdan, où manifestants et autorités s’affrontent quotidiennement.
Au début, elle tire le portrait des photojournalistes venus du monde entier à Kiev, et tandis que les manifestations s’intensifient, elle commence à photographier la population locale. Réalisant ses portraits avec un Hasselblad, elle a utilise également un iPhone afin de communiquer à ses nombreux abonnés, en publiant photos et vidéos sur les réseaux sociaux. Sa série de portraits est devenue un livre : Maidan – Portraits from the Black Square (Gost Books, 2014).
Une fois son travail à Kiev terminé, elle songe à la prochaine étape. Elle tombe sur des cartes postales touristiques de Donetsk. Dans la vidéo ci-dessous, elle explique comment ces cartes postales sont devenues l’élément déclencheur d’un projet intitulé Welcome to Donetsk.
Ces dernières années, elle s’est associée à la journaliste Alisa Sopovae pour concevoir le reportage Ukraine : 5km from the Frontline, qui documente la vie quotidienne de personnes vivant au quotidien, de façon constante, la guerre : familles, personnes âgées, jeunes et enfants. Ces images semblent quotidiennes, sinon banales — famille pique-niquant, enfants jouant dans le jardin, une jeune femme prenant le bus. Mais dans ces récits, le sous-texte de la guerre reste constamment présent à l’esprit.
« Dans le Donbass, la vie continue, les gens se marient, élèvent des enfants, cultivent la terre et créent de nouvelles entreprises », explique Taylor-Lind. Pourtant, il ne s’agit pas d’une vie normale. Les enfants grandissent en apprenant à reconnaître les mines, en sachant où marcher et comment les éviter. De nombreux villages sont dépourvus d’infrastructures primaires. Les communautés sont irrémédiablement marquées par le deuil.
Selon Anastasia Taylor-Lind, les médias ont depuis longtemps oublié la guerre en Ukraine, mais Alisa Sopova et elle sont déterminées à trouver de nouveaux sujets afin de garder cette actualité vivante. Dans l’interview filmée, elle s’étend sur un des ressorts permettant de faire éclore de nouveaux sujets, les morceaux d’obus collectés par la population locale. « Tout le monde a chez soi un seau d’obus », révèle-t-elle.
Le compte d’Anastasia Taylor-Lind sur Instagram.