À l’occasion du 25ème anniversaire du festival international de la photographie et des arts visuels PHotoEspaña, sa directrice Claude Bussac répond aux questions de notre correspondante, Zoé Isle de Beauchaine.
Claude Bussac, quel est votre bilan pour ces vingt-cinq années de PHotoEspaña ?
Pour un directeur de festival, le bilan se lit dans le public et on a vraiment un large public, qui plus est très actif puisqu’il s’implique dans toutes les activités que nous proposons en marge du festival. L’intérêt n’a pas baissé, bien au contraire. Du côté des institutions, l’évolution est aussi criante. Quand PHotoEspaña est née il y a vingt-cinq ans, Madrid n’était pas du tout tournée vers la photographie. Il n’y avait pas une seule galerie qui montrait des photographes, dans les musées il y en avait peu également. Aujourd’hui, que ce soit le musée Reina Sofia ou bien la fondation MAPFRE, tous accordent une place importante à ce médium.
Peut-on remercier PHotoEspaña pour cette évolution ?
PHotoEspaña a contribué à ce que la photographie prenne la place qu’elle devait prendre de toute manière et qu’elle a d’ailleurs gagné au niveau international.
Quelle est la place de PHotoEspaña à l’international ?
Ces dernières années je pense qu’il est arrivé à avoir une place importante, notamment pour la photographie d’Amérique Latine. On essaie d’ouvrir de plus en plus de fenêtres à l’international, mais un international qui ne soit pas occidentalo-centré. Cette démarche est très importante pour nous. S’ouvrir à l’international signifie s’intéresser à de nombreux pays, et pas seulement l’Amérique du Nord et le Japon. Nous avons cette année une belle exposition qui donne un aperçu de la photographie libanaise contemporaine.
Quels sont les grands axe de cette édition anniversaire ?
Il y a plusieurs grands axes pour cette année. Celui d’abord de la place des femmes au sein de l’histoire de la photographie. Cela fait déjà plusieurs années que nous sommes très stricts sur la parité homme-femme au sein du festival. Plus récemment, depuis deux ou trois ans, nous avons aussi voulu donner plus de visibilité aux femmes qui ont marqué l’histoire de la photographie en mettant à l’honneur une ou deux photographes chaque année. Je pense vraiment que c’est important de le faire et ce sont des expositions qui intéressent toujours beaucoup le public.
Chaque année nous invitons des commissaires à développer un point particulier. L’an dernier c’était la photographie panafricaine. Pour la 25e édition, j’avais envie que le cœur du festival se fasse avec des grands noms de la photographie. J’ai ainsi demandé à deux commissaires (Vicent Todolí et Sandra Guimarães) de travailler à partir de la collection de la Fundació Per Amor a l’Art (Valencia) sur la photographie de style documentaire. C’est une collection incroyable, que vous pourrez découvrir à travers plusieurs expositions.
Enfin, il y a la photographie espagnole avec notamment plusieurs personnes qui font partie de ce que j’appelle la génération PHotoEspaña, qui étaient là aux débuts du festival, comme Alberto García-Alix par exemple et bien d’autres. Ils célèbrent cet anniversaire avec nous.
Vos coups de cœurs personnels pour cette édition ?
J’ai un petit faible, peut-être parce que je fais partie de l’équipe de commissariat, pour l’exposition du Palais Royal. Cette année est importante pour nous puisque c’est la première fois que le patrimoine national rentre dans PHotoEspaña, avec deux espaces emblématiques de la ville : le Palais Royal et le Panthéon. Le plus passionnant fut d’avoir pu accéder aux collections royales, collection remarquable de photographies du XIXe siècle, que l’on a fait dialoguer avec des photographies de Sebastião Salgado. Un dialogue qui à première vue peut paraître étonnant mais qui fonctionne très bien à mon avis, notamment grâce à ce côté du sublime dans la relation à la nature que peut avoir Salgado et que l’on retrouve beaucoup chez les pionniers.
Il y a aussi les photographies de Kati Horna et Margaret Michaelis : ce sont des moments forts de l’histoire, qui nous touchent particulièrement… et puis de constater le courage de ces femmes qui étaient quand même sur le front avec les anarchistes.
Qu’en est-il des 25 prochaines années de PHotoEspaña ?
Je crois que PHotoEspaña a un bel avenir devant lui. Il est incroyable de voir à quel point cet engouement pour la photographie est fort. Je crois qu’il y a énormément de choses à faire. C’est ce qui est passionnant, c’est un médium qui a un grand potentiel et j’aime qu’il puisse attirer autant de publics différents, qu’il permette à des artistes de s’exprimer avec tellement de moyens. Le plus important à mon avis est que nous continuions à revendiquer la photographie d’auteur afin d’éduquer le regard.
Zoé Isle de Beauchaine
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