Dans le cadre de la « Photobiennale-2020 », le Multimedia Art Museum, Moscou présente une exposition d’Igor Mukhin, l’un des photographes russes modernes les plus éminents et les plus influents, chef de l’atelier de photographie à l’école Rodchenko, avec lequel MAMM conserve depuis longtemps des relations amicales et coopératives.
Igor Mukhin a commencé ses activités créatives au milieu des années 1980, lorsque la légalisation de l’art souterrain soviétique a commencé à la suite de la perestroïka. La perestroïka a servi de catalyseur à la naissance d’une nouvelle génération d’artistes et de photographes russes.
Igor Mukhin n’est pas un chroniqueur au sens littéral du terme et ses photographies ne sauraient fournir une séquence illustrative d’annales d’événements politiques ou sociaux. Mukhin prend des photos dans la ville, mais son objectif ne recherche pas les gros titres, il ressemble plus à une sonde des grands fonds qui capte l’atmosphère de l’époque, se concentrant sur des moments où la distinction entre passé et futur semble instable et perméable.
Avec la précision d’un sismographe sensible, le photographe enregistre les signes des changements tectoniques de la société survenus dans les années 1990. Mukhin choisit de nouveaux sujets, des jeunes et même des adolescents. Pour eux, cette période de changements douloureux a été particulièrement difficile. Mais c’est pour eux que cette période a révélé de vastes perspectives nouvelles, peut-être rêvées.
Les amoureux se reflètent souvent dans l’optique d’Igor Mukhin. Leurs regards, leurs poses et leurs gestes deviennent le symbole d’une énergie vitale caractéristique de nos années 90. Cette énergie nous a permis de survivre à l’époque des changements, jetant les bases de l’avenir.
Dans les années 1990, des jeunes de diverses tendances politiques ont assisté à des rassemblements, qu’ils soient membres du Komsomol, anarchistes ou démocrates. Les clichés de Mukhin de ces réunions politiques sont frappants, très différents des photos des cortèges avec des participants adultes fatigués et endiablés. Mukhin transmet avec brio cette période de contrastes à travers le jeu d’ombres et de lumière. La lumière et l’ombre sont des techniques expressives et, en même temps, les élements principaux à part entière de ses photographies.
Chacune des images de Mukhin est une métaphore plastique qui peut parfois remplacer le scénario que nous pouvons concevoir dans notre imagination. Dans certains cas, les photographies s’accumulent dans une série, par exemple les images de Moscou symbole d’une époque où la vie dans tout l’espace post-soviétique a été radicalement reconstruite.
La réalité post-perestroïka était un mélange babylonien comprenant les rudiments de l’économie soviétique, l’esthétique soviétique, la mentalité soviétique et la nouvelle réalité russe née dans les affres du tourment.
Toute photographie d’Igor Mukhin est caractérisée par une précision méticuleuse et un sens cinématographique du temps dans le cadre statique. Mukhin voit le monde sans filtres de réalisme critique ou romantique. La liberté retrouvée et la capacité naturelle du photographe à concentrer l’énergie d’un espace social et d’une personne spécifique dans le cadre lui ont permis de créer l’image la plus vivante et la plus dramatique de la Russie et de sa capitale au tournant des XXe et XXIe siècles.
Photobiennale-2020 Moscou : Igor Mukhin – Our 1990s. Time of Changes
Curators: Olga Sviblova, Anna Zaitseva
5 septembre 2020 — 22 novembre 2020
Multimedia Art Museum, Moscow
Ostozhenka, 16
