La photographie d’Anthony Friedkin, Woman by the pool, Beverly Hills hotel 1975, est l’image officielle de Photo LA 2012. L’interview de Roxanne McCann nous raconte l’histoire qui se tient derrière cette photographie.
Roxanne McCann: Pourquoi vouliez-vous photographier l’hôtel Beverly Hills ?
Anthony Friedkin : Je travaillais sur un reportage photo sur Beverly Hills à l’époque. N’oubliez pas que cela ce passa il y a trente ans de cela. Je testais ma propre sensibilité sur la façon dont les riches en Amérique interagissent les uns avec les autres. Je voulais explorer la question, de manière visuelle : « A quoi est-ce que la richesse en Amérique peut-elle ressembler? » Nous savions à quoi les quartiers pauvres avaient l’air parce que nous avons vu un nombre incalculable de photographies des ghettos remontant aussi loin que la fin des années 1800. Les Appalaches, les ghettos noirs, des portraits de gens pauvres, appauvris, les quartiers abandonnés – tous nous ont été très accessibles.
Mais il n’est pas si facile de photographier les gens riches – ils sont soigneusement protégés. Ils vivent dans des communautés fermées, dans des villas fermées. Ils sont protégés par des polices privées. Ils ont des chauffeurs et plusieurs d’entre eux ont des gardes du corps.
Le Beverly Hills Hôtel est resté très prudent et soucieux de toute photographie qui y serait prise. Sur leur désir de préserver la confidentialité de leurs clients (et sur leurs invités qui comprenaient un grand nombre de stars de cinéma), ils n’étaient pas vraiment coopératifs à l’idée de me laisser prendre des photos là-bas. Mais comment pourrais-je faire un reportage sur Beverly Hills qui n’incluait pas l’Hôtel Beverly Hills ? Impossible!
Roxanne McCann: Comment avez-vous pu prendre les photos ? Vous séjourniez à l’hôtel ?
Anthony Friedkin :L’occasion s’est présentée quand un de mes amis y séjournait. Elle savait que je faisais un essai photographique sur Beverly Hills, elle a appelé et dit: «Je suis en bas de la piscine. Pourquoi ne viens-tu pas visiter l’hôtel ? Et, n’oublie pas, tu es mon invité » J’ai pensé: « Voici ma chance – cette fois j’y suis. »
Je réalisais qu’il n’y avait aucun moyen d’y aller en ressemblant à un Mister Photojournaliste, « avec mon habituel blue jeans, col roulé et veste. Impossible – j’allais me faire cataloguer en une seconde ! Je me suis finalement habillé comme un pro du tennis – un rôle parfaitement endossé ! J’avais le short blanc, un polo blanc, une raquette de tennis joliment onéreuse, de nouvelles chaussures de tennis, des chaussettes blanches… parfaitement adapté à « l’Hollywood fashion » – Ce qui se résume finalement à une question d’aspect. Je suis ensuite descendu à la piscine avec le Leica autour de mon cou, personne n’avais remarqué le photographe en moi. Pour un court instant, j’étais chez moi.
Dès que j’y étais, je me suis rendu compte que je devais saisir ma chance. Je me souviens d’avoir marché autour de la piscine et j’ai vu cette femme avec le chapeau. Cet homme était sur une chaise longue et je me suis dirigé derrière la femme. Je me suis positionné à genoux rapidement, j’ai cadré et libéré le déclencheur – qui possède d’ailleurs un son merveilleux. Je savais que je l’avais eu !
Roxanne McCann:Aviez-vous réalisé ce que vous aviez lorsque vous avez pris la photo ?
Anthony Friedkin : Oui, et ce qui est intéressant pour moi, c’est que je pense que les photographes ont un destin, comme tous les artistes. Cela veut dire qu’il s’agit d’être au bon endroit au bon moment. Indépendamment du fait que nous travaillons toute notre vie pour être là, à ce moment précis dans le temps, pour obtenir cette photo extraordinaire, pour la visualiser et la cadrer de manière artistique, il existe une certaine forme de chance existentielle qui doit entrer en jeu. Et je l’ai ressenti le jour où j’ai pris cette photo.
Anthony Friedkin : est un artiste photographe de renommée internationale. Ses images font partie de la collection permanente du J. Paul Getty Museum, du Museum of Modern Art de New York, du Museum of Art de Los Angeles et du Museum of Modern Art de San Francisco. Son œuvre a également été exposée au Japon, en Russie et fut largement publiée, avec le soutient de Rolling Stone, Zoom, Time et Newsweek. Anthony Friedkin est natif de Los Angeles, en Californie, il travailla avec passion en Europe occidentale et de l’Est, au Japon, au Mexique et à New York.