Philippe Salaün est mort. Nous avons reçu ce très beau texte de Flora Merillon et ces images.
Philippe est parti. Un dernier voyage, un dimanche, non loin du Canal St Martin, près de chez lui, de son atelier, de chez ses enfants et petits enfants, emporté, par un violent coup de vent d’automne, un cancer qui est venu faucher sa vie trop vite, trop tôt.
Philippe est parti hier… mais en fait non, … tant de souvenirs émergent accompagnant sa voix, sa prestance, son visage que les années avaient à peine marqué.
Je l’ai connu, il y a vingt-six ans et j’ai travaillé cinq ans à ses côtés dans son laboratoire, rue Beaurepaire. Quelle école ! On rendait visite à Keichi Tahara qui habitait le quartier, on croisait Sebastião Salgado en chemin, on déjeunait « chez Maurice » avec Jean-Loup Sieff ou Stanley Greene de passage, et bien d’autres… et on rentrait travailler. Il recevait d’Afrique des boîtes entières de négatifs parfois poussiéreux, rayés, qu’il fallait, avec le plus grand soin, nettoyer, numéroter, on faisait les contacts, les images apparaissaient et puis c’était le moment des tirages 50×60 avec l’impressionnant travail de mise en valeur dont Philippe avait la maîtrise. Seydou Keïta et Malick Sidibé venaient découvrir et signer leurs tirages dans une ambiance joyeuse.
La grâce du regard, l’humilité, la générosité, il ne les avait pas seulement devant l’agrandisseur et l’en soi des images qu’il tirait pour les autres, ces qualités le suivaient dans ses voyages proches et lointains (Japon, Etats-Unis, Pérou, Afrique, Vietnam), dans ses rencontres avec les gens, dans ses photographies. Une rare curiosité l’habitait, il racontait les premiers festivals de Houston, sa rencontre avec Ansel Adams, les conférences qu’il donnait à Tokyo et ailleurs. Photographe, il avait choisit l’humour comme posture du regard ou filtre, une manière d’apprivoiser le monde autour de lui par le sourire, comme pour se défaire d’une révolte sourde, peut-être, que quelques sautes d’humeur parfois trahissaient.
Philippe Salaün… c’était un homme de valeur qui fonctionnait avec le coeur… c’est tout.
Il aurait aimé que je cite ces mots de Robert Doisneau pour qui il avait fait des tirages et à qui il pensait toujours :
« Chance ou pas je suis à peu près certain que cette façon de voir le monde est une sorte d’élégance et de courage. C’est pour cela que Philippe Salaün me donne à chacune de nos rencontres un sentiment de bien-être. »
Flora Mérillon, Paris, le 5 octobre 2020.
« Un hommage lui sera rendu en présence de sa famille et de ses amis le lundi 12 octobre 2020 à 10h30 à la Coupole funéraire du Père-Lachaise à Paris. »