Sinaï Park
Le Sinaï a subit de plein fouet l’effet de la révolution Égyptienne : dans les villages hôteliers de la côte de la mer rouge, « Tahrir » est synonyme de catastrophe économique. Si l’Égypte parie massivement sur le secteur du tourisme (environ 15% du PIB), dans le Sinaï, c’est la quasi-totalité de l’économie locale qui repose sur l’industrie touristique. Un pari risqué, car cette mono-économie est lourdement fragilisée à chaque séisme politique ayant un écho médiatique international. Les attaques terroristes survenues dans les années 2000, l’Intifada de la proche Palestine, la révolution Égyptienne, puis récemment l’émergence de groupes affiliés à Daesh au nord du Sinaï affectent la confiance des occidentaux, pilier principal des rouages du secteur.
Seul à Sharm el Sheikh, îlot de carton-pâte sous contrôle ultra-sécurisé, les tour-operators sont en nette reprise avec les groupes russophones, misant sur les « package all-inclusive discount ». Les grosses chaines hôtelières se vantent de la reprise des réservations depuis l’élection du général Al Sissi, et les travailleurs hôteliers venus des quatre coins d’Égypte s’enorgueillissent d’un gouvernement qui exhibe tous ces atouts militaires en guise de preuve de contrôle. Dans le reste du Sud Sinaï, des carcasses d’hôtels fantômes, abandonnés ou jamais terminés, recouvrent toute la côte de Taba à Sharm el Sheikh. Selon le service d’information Égyptien, 86% de l’immobilier du Sinaï est consacré au tourisme. Les bédouins, population nomade indigène du Sinaï, subissent une politique de contrôle militaire sévère, et sont largement mis à l’écart des circuits touristiques.
Le développement d’un tourisme gourmant mené par les investisseurs cairotes et des pays du golf a métamorphosé le territoire : une architecture d’ampleur démesurée, un environnement ravagé par la spéculation immobilière, une culture locale au mieux folklorisée voir dénaturée, et un morcellement extrême des espaces sous haute surveillance. Les lieux aménagés pour le touriste étranger recréent un monde artificiel et naïf, détaché de la réalité locale et conforme à la standardisation globale, où tout est fait pour satisfaire les désirs et les attentes du client. Le Sinaï est devenu un territoire prototype d’un non-lieu (au sens de l’ethnologue Marc Augé) où chacun, selon son statut de touriste, bédouin, soldat, ou personnel saisonnier, est confiné à un usage des lieux selon le rôle qui lui est accordé.
Ce travail a été inspiré par l’essai « The ParK » de Bruce Bégout
Andrea et Magda sont un duo de photographes franco-italien. Ils vivent et travaillent au Moyen-Orient depuis 2008, principalement en Palestine et en Égypte. Ils explorent les conséquences de la mondialisation sur les territoires et l’économie. Leur premier projet, Palestinian Dream dépeint les transformations de la société palestinienne et de la classe moyenne, modelée par un idéal de modernité véhiculé par l’émergence du néo-libéralisme en Palestine, et l’illusion d’un développement économique sous occupation militaire. Palestinian Dream a été exposé dans le cadre du Mois de la Photo en 2014. Le deuxième volet, Sinai Park, explore les conséquences du tourisme de masse sur le territoire du Sinaï, en Égypte. Un troisième volet est prévu prochainement dans un autre pays du Moyen-Orient. Leurs travaux ont été publiés dans des magazines à l’international (Newsweek Japan, Sunday Times Spectrum Magazine, Internazionale, Courrier International, Marie-Claire Italie…). Ils ont récemment reçu le premier prix du festival de photographie de Foiano en 2014, et le prix Tabbò à Fotoleggendo en 2015. Sinai Park it will be exhibited in november 2015 to the Maison Européenne de la Photographie for the Premiere biennale de Photographe du monde arabe.