L’exposition présentée par Maria Antonella Pelizzari au Hunter College dresse un panorama de la photographie italienne, assez méconnue aux Etats-Unis en dehors d’un cercle d’experts et de curieux. L’inévitable Massimo Vitali y côtoie d’autres grands noms comme Ghirri, Jodice, Guidi ou Basilico mais également des jeunes artistes comme Alessandro Imbriaco et Maurizio Montagna. A travers l’exploration d’un genre, cette sélection d’images est une investigation du territoire italien. Un pays dévoré par l’expansion urbaine, ou la ligne de démarcation des villes se brouille dans cet espace incertain nommé périphérie. Phénomène de la seconde moitié du XXe siècle, il fait écho au consumérisme débordant, a l’exode rural, a la condition sociale imposée par les villes, a une redéfinition de l’architecture. Il impose également une autre image de l’Italie, loin des visions bucoliques qui subsistent dans l’imaginaire collectif depuis l’époque du Grand Tour.
Un autre point de vue, c’est justement l’objet de la recherche photographique de Marina Ballo Charmet. Dans sa série « With the corner of the Eye », sorte de typologie des trottoirs, la photographe déjoue la perspective en réduisant un quartier a un trottoir. Le champ est fermé, les images parfois surexposées, les cailloux, virages, brins de nature conquérante et autres poteaux composent des fragments géométriques familiers et déroutants. Son approche, qui consiste a explorer d’autres angles jusqu’à défier le médium lui-même, a inspiré le titre de l’exposition – la vision périphérique étant impossible a reproduire en photographie et l’adjectif évoquant le phénomène urbain documenté par les 21 photographes de l’exposition. Seule série montrée dans son intégralité, elle est présentée sous la forme d’un diaporama qui suit l’editing du livre de l’artiste. C’est l’une des qualités scénographiques de l’exposition que de varier les supports : vidéo, livres, projections, accordéon et archive interactive jalonnent les murs aux cotés d’impressions tantôt géantes, tantôt miniatures. L’autre mérite de l’exposition est sa générosité, sa capacité a ne présenter souvent qu’une pièce par artiste sans pour autant perdre ou frustrer le visiteur ni dénaturer ou minimiser le travail de chaque photographe. Cela est rendu possible par la juxtaposition d’images qui se répondent dans une conversation a la fois esthétique et thématique. Le panorama urbain géant de Basilico annonce les Chroniques de Milan de Vincenzo Castella et ses compositions sculpturales de l’architecture font visuellement écho aux panneaux publicitaires muets de Maurizio Montagna ; les vues de la ville, grandissant au risque de l’humanité – une vision sensible que l’on retrouve dans les photographies pastel de Ghirri – trouvent leurs contrepoint dans les images éclantes de Vitali, Niedermayr et Paola di Bello. Sa photo, imprimée a l’échelle, conclut en quelque sorte l’exposition. Recomposant l’image selon le point de vue d’un canapé orange basculé sur un immeuble, Paola di Bello propose de renverser la perception que nous avons du monde, des villes, de l’Italie, de la photographie. Ce qui rejoint explicitement le propos de l’exposition.
Laurence Cornet
Peripheral Visions: Italian Photography, 1950s-Present
Hunter College
West Building
3rd Floor, 68th and Lexington
NY, NY 10065