Avec 34 éditeurs, 400 signatures, une performance, une série de conversations autour du livre photographique et les dix ans du Prix du Livre Paris Photo – Aperture, le secteur édition poursuit sa trajectoire ascendante.
Boudé pendant longtemps par les institutions et les foires, le livre a acquis au cours de la dernière décennie une place centrale dans le milieu photographique, comme le remarque Géraldine Lay, éditrice chez Actes Sud : « on a désormais systématiquement des sections dédiées à l’édition sur les salons consacrés à la photographie. Il y a quelques années, cela n’aurait pas été possible. C’est le signe d’un dynamisme assez prometteur. »
Paris Photo n’échappe pas à cette influence grandissante du livre. Cette année, 34 éditeurs venus de neuf pays ont été invités à présenter leurs créations. Parmi eux, quatre nouveaux arrivants dont Datz Press, une maison sud-coréenne publiant des livres poétiques et de belle facture ou encore France PhotoBook qui mettait en avant les sélections éclectiques de quatre éditeurs : Contrejour, Light Motiv, Loco et les Éditions de juillet.
Du côté des éditeurs déjà présents lors des éditions précédentes, remarquons la très belle sélection des britanniques Stanley/Barker avec les ouvrages de Joan Albert, Dave Heath, Thomas Boivin, Jack Lueders-Booth et Mimi Plumb. Toujours outre-manche, Mack Books présentait entre autres les derniers livres de Talia Chetrit et Alessandra Sanguinetti.
En France, Marseille semble être le nouvel eldorado de l’édition indépendante. Le Bec en l’Air, André Frère, Loose Joints et Chose Commune : tous affichaient des ouvrages admirablement pensés, que ce soit Broken Spectre (Loose Joints), la série magnétique de Richard Mosse sur l’effondrement de la forêt amazonienne ou encore Meeting Sofie de Snezhana von Büdingen-Dyba (Le Bec en l’air), un hymne tendre et bucolique à une adolescence vécue sous le signe de la différence.
Les lithuaniens Kaunas ont quant à eux fait une référence nécessaire à l’actualité, rendant hommage à l’Ukraine à travers un choix de livres hétéroclites, des plus classiques, avec notamment Téoura, une monographie sur les photographies des années 1930 de Sophie Jablonska, aux productions plus singulières, comme le cocasse Out of the Blue de Kirill Golovchenko. Le pays était également à l’honneur dans la sélection du Prix du Livre, puisque six ouvrages sur l’Ukraine ont reçu une mention spéciale du jury.
Co-organisé par la Fondation Aperture et Paris Photo, le Prix du Livre célébrait avec cette édition sa dixième année. Et pendant que certains faisaient la queue pour accéder au salon lounge de Ruinart, d’autres trépignaient en attendant l’annonce des lauréats : le prix du Premier livre a été attribué à Sabiha Çimen pour Hafiz (Red Hook Editions), son projet sensible sur les écoles coraniques en Turquie.
Le Livre de l’année a consacré la célèbre série Périphérique de Mohamed Bourouissa (Loose Joints) tandis que le Prix du catalogue de l’année est revenu à Devour the Land: War and American Landscape Photography since 1970 de Makeda Best (Harvard Art Museums), une exploration des réponses photographiques à l’impact militaire sur les terres américaines. Une mention spéciale a également salué le splendide ouvrage de Tokuko Ushioda, My Husband (torch press).
Face à ce tourbillon de pages et d’images, les moments suspendus offerts par la performance Chemical Library de Thomas Mailaender, la rencontre avec les photographes autour des signatures ou encore les conversations organisées par The Eyes furent salutaires. Trois après-midis étaient consacrés à ces discussions fascinantes durant lesquelles un.e photographe évoquait son travail à travers un de ses projets éditoriaux.
Avec une sélection variée et de grande qualité, mettant à l’honneur les maisons installées comme les plus jeunes, le secteur édition de Paris Photo reflète l’intérêt toujours croissant pour le livre, et volerait presque la vedette au reste de la foire…
Zoé Isle de Beauchaine