Lennart Nilsson a stupéfié le monde en 1965 avec les premières photographies de la vie prénatale. Il y a un demi-siècle, la planète était si différente. Même si l’ingéniosité humaine avec l’atome signifiait que nous devions accepter la possibilité d’une autodestruction, il y avait un optimisme quant à la possibilité que la science nous sauve. Bien que le paysage politique soit assombri, nous espérions qu’une nouvelle génération franchirait les barrières politiques. Nous pourrions reconnaître notre humanité commune, quelles que soient les frontières créées par l’homme. Nous étions les héritiers de la «famille de l’homme». Les photos de Lennart nous rappellent que nous sommes nés d’un processus commun, nous incarnons tous le résultat d’une même rencontre intérieure et nous partageons les mêmes émotions qui nous poussent à rechercher ou à offrir la protection du parent. Ses photographies ne nous auraient pas étonnés s’il s’agissait simplement de données – froides comme des informations de laboratoire. Les images fonctionnent à un autre niveau de signal et de réponse humaine. L’enfant à naître dans les dernières étapes de la grossesse, dont les traits humains sont parfaitement reconnaissables, est aussi magnifiquement photographié par Lennart que le nouveau-né sacré a été peint par des maîtres de la Renaissance dans les bras de la Madone. Les photographies peuvent toucher une émotion profonde – une émotion universelle.
Quatre ans après la première publication des photographies, des hommes ont atterri sur la Lune. L’expérience dominante de ceux qui ont effectué ce voyage épique a été de voir la Terre d’une nouvelle manière. Ils avaient littéralement marché non seulement dans la poussière lunaire, mais en dehors de leur personnalité habituelle. La photographie la plus populaire parmi les milliers qu’ils ont faites est la photo de Earthrise. Dans cette image, nous voyons notre lieu d’origine dans le contexte de l’espace cosmique. Vous pouvez vous émerveiller de la puissance des photographies de Lennart produites en un siècle, dont l’histoire a été mesurée par la photographie. Vous pouvez vous demander ce qui a été révélé par l’objectif, mais vous faites face à un reflet de vous-même. Lorsque la NASA a suivi l’entreprise lunaire Apollo avec les missions Voyager qui ont plongé plus loin dans l’espace, elles ont pris des images de Lennart. Les photographies ont fourni des jetons indiquant «c’est nous».
Lennart était un conteur. Son parcours de photojournaliste explique son sens de la narration. C’était un populiste qui a rendu les mondes invisibles accessibles à ceux qui ne font pas partie de la science. L’histoire d’un spermatozoïde et d’un ovule – de la jonction entre un homme et une femme – est inégalable. Sa conclusion est une nouvelle vie.
Depuis les réalisations novatrices de Lennart, aucune photographie ultérieure n’a possédé les mêmes qualités. Les techniques ont progressé. Les images numérisées de l’embryon humain deviennent de plus en plus nettes. La couleur peut être imposée numériquement. Nous sommes entrés dans l’ère de l’imagerie tridimensionnelle qui existe sur un écran d’ordinateur. Mais le travail de Lennart a un ingrédient unique: il est accessible à la fois à la mère et à l’enfant. Ce travail est clairement d’une époque particulière, mais comme dans le grand art, les images résonnent au-delà de leur époque. Ils ont leur propre pouls, celui d’une profonde découverte, car Lennart est bien sûr plus qu’un photojournaliste et c’est bien plus qu’une simple histoire.
Mark Holborn
Paris Photo 2019
Novembre 7–10, 2019
Grand Palais Paris
