La Galerie Karsten Greve présente Photographs, exposition consacrée au travail photographique de John Chamberlain, artiste majeur de l’art américain du XXe siècle qui, avec ses œuvres métalliques, réalisées au travers d’un procédé d’écrasement mécanique, a révolutionné l’art contemporain.
Connu depuis les années 1960 pour ses sculptures issues de carrosseries de voitures compressées, qu’il commence à réaliser dès 1958, John Chamberlain est une des figures clé de l’art contemporain, à mi-chemin entre l’énergie gestuelle de l’Expressionisme Abstrait et l’euphorie consumériste du Pop Art. Avec ses œuvres, résultat d’un travail de compression, découpage, coloration et montage de morceaux différents, John Chamberlain a bouleversé le monde de la sculpture contemporaine : il donne aux matériaux de la vie quotidienne un statut artistique, dans une perspective esthétique proche du ready-made dadaïste. Chamberlain utilise les débris de l’industrie automobile, protagoniste d’une grande partie de l’histoire industrielle des États-Unis et notamment de sa faillite, ainsi que des outils étrangers au monde des arts plastiques pour créer une beauté érotique, vibrante de couleurs.
Bien que ses sculptures aient pour beaucoup contribué à sa renommée, Chamberlain a expérimenté tout au long de sa carrière une grande variété de media: la peinture, le dessin, les monotypes, le cinéma et plus particulièrement la photographie. C’est grâce à l’appareil photo Widelux offert par Larry Bell, qu’à partir de 1977 Chamberlain commence à expérimenter le médium photographique. Ses photographies sont exposées pour la première fois en 1979 à New York ; de même que son travail sculptural, la Galerie Karsten Greve les expose depuis les années 1980.
L’appareil photo permet à Chamberlain de créer des photographies suivant les mêmes principes qui guident son travail plastique : elles sont le résultat d’une transformation que l’artiste opère sur un matériel préexistant selon sa subjectivité et le principe du collage. Le Widelux est en effet un appareil photo panoramique, qui compose une grande vue à partir d’images plus petites mises côte à côte. Équipé d’un objectif mobile qui permet de réaliser des vues avec un angle allant de 150 à 360 degrés sans distorsions, il est traditionnellement utilisé pour la documentation de paysages. Utilisé de façon traditionnelle, fixé sur un tripode, le Widelux produit des images dont la composition est claire et équilibrée. Mais cette utilisation habituelle est bouleversée par Chamberlain quand il décide de faire pivoter et basculer l’appareil pendant le temps de pose. Les photographies qui en résultent sont donc le fruit d’une improvisation à la fois maitrisée et intuitive, ancrée sur l’idée d’un mouvement quidéforme et fond les objets en un flux de couleur. L’intérêt de Chamberlain pour le mouvement a souvent été rapproché des recherches faites par les artistes futuristes, particulièrement du travail photographique d’Anton Giulio Bragaglia ainsi que des œuvres d’Umberto Boccioni. Néanmoins dans ses photographies panoramiques l’utilisation du mouvement comme principe de destruction et de reconstruction des formes acquiert une nouvelle dimension esthétique. L’artiste utilise les erreurs produites par le basculement de la caméra pour extraire les choses de leur réalité matérielle immobile et les projeter dans une dimension où le temps se matérialise grâce au mouvement des flux fluides de couleurs.
La dimension chromatique, ainsi que les formes et les reflets de lumière, sont en effet très importants dans la démarche photographique de Chamberlain. Le contraste entre les couleurs froides des lumières artificielles et les tonalités chaudes de la lumière du jour y est particulièrement accentué. Pour l’obtenir il joue avec les pellicules, par exemple en utilisant une pellicule calibrée pour la lumière naturelle pour les photos d’intérieur, les lustres des bars et des restaurants s’entourent d’un halo lumineux, donnant aux photos une tonalité très chaude. En revanche, dans la série Studio Lite (1989) il travaille avec une pellicule calibrée pour la lumière artificielle qui, utilisée sur les néons de son studio, les fait apparaitre d’un blanc extrêmement pur, dans une forme de vague, appuyant le mouvement de l’appareil photo.
John Chamberlain est né à Rochester, dans l’Indiana, aux États-Unis, en 1927. Dans le cadre de ses études au Black Mountain College, il s’était déjà intéressé à l’expressionnisme abstrait et avait privilégié les objets de récupération dans ses expériences artistiques, jusqu’à ce jour de 1957 où des pièces écrasées d’une Ford mise au rebut lui sont apparues comme le matériau idéal pour donner corps à ses idées. Dès le début des années 1960, ses travaux ont été admis dans nombre de collections majeures, entre autres celle du MoMA de New York, du Centre Pompidou de Paris et de la Tate Gallery de Londres. John Chamberlain a participé à la Biennale de São Paolo de 1961 ainsi qu’à la Biennale de Venise de 1964. Le musée Guggenheim de New York et le Museum of Contemporary Art de Los Angeles lui ont consacré, respectivement en 1971 et en 1986 des rétrospectives, préludes à des expositions importantes à la Kunsthalle de Baden-Baden (1991) et au Stedelijk Museum à Amsterdam (1996). La Galerie Karsten Greve expose son travail depuis 1989. John Chamberlain est décédé en 2011, à New York.
Paris Photo 2019
Novembre 7–10, 2019
Grand Palais Paris