La Galerie Dominique Fiat présente la nouvelle série Obia, réalisée par le photographe Nicola Lo Calzo, présentée jusqu’au 20 juin 2015.
« Les Saamaka, Ndyuka, Aluku (les Boni), Paamaka, Matawai et Kwinti, qui partagent tous le nom de Bushinengue, sont des peuples de marrons vivant toujours sur un territoire à cheval sur la frontière artificielle tracée par les puissances coloniales entre le Suriname (ancienne Guyane hollandaise) et l’actuelle Guyane française. Leur existence apporte discontinuités et ruptures dans l’histoire des sociétés esclavagistes et post-coloniales, interrogeant la périodicité et la spatialité de leurs récits hégémoniques.
C’est au Suriname que le marronnage connaît son apogée au 18ème siècle. Fuyant les plantations, des esclaves se regroupent et créent des sociétés entièrement nouvelles dans des conditions très dures de survie et de résistance aux troupes armées qui leur mènent une guerre implacable. Les marrons défient le système esclavagiste et ce dernier, pour imposer sa loi, punit durement et torture publiquement jusqu’à leur mort, les marrons capturés. Des communautés de marrons imposent cependant aux autorités coloniales, dès 1760, des traités qui reconnaissent leur souveraineté.
Au 19ème siècle, des arts émergent qui, comme l’ont montré Sally et Richard Price, sont nés d’un syncrétisme inter-Africain et des mutations et évolutions propres aux marrons, témoignant de leur capacité à « combiner et extrapoler les idées africaines et à les adapter avec créativité aux circonstances changeantes ».
Cette esthétique de la plasticité est aujourd’hui menacée par une approche folklorique. L’économie de l’orpaillage, la division des terres ancestrales par une frontière artificielle, et le refus de reconnaître le droit des peuples autochtones ont amplifié disparités et conflits.
Confrontés à une économie qui privilégie le profit et s’approprie leurs terres, à des États qui nient leurs droits, les Bushinengue continuent à préserver et transmettre leurs cultures. Ils aiment rappeler qu’ils n’ont jamais rompu avec leurs origines et n’ont jamais épousé les valeurs, idées et modèles de la société créole assimilée.
Les photos de Nicola Lo Calzo, qui contribuent à la bibliothèque des arts visuels post-coloniaux, mettent en scène ces cultures afro-américanistes qui marient mémoire et création.
Françoise Vergès
« Peuples marrons des Guyanes : Un syncrétisme inter-Africain, une esthétique de la plasticité » – Postface au livre Obia de Nicola Lo Calzo, aux éditions Kehrer.
« Le monde, ce monde végétal et liquide est le décor parfait dans lequel peuvent se dissoudre les êtres. Comme s’ils redoutaient encore que l’histoire ne se répète, ils semblent être prêts, à tout moment, à lever l’ancre vers de nouveaux ailleurs. La rivière est là, interminable. Lo Calzo fait ici de la photographie de marron. C’est-à-dire qu’il s’inscrit dans une clandestinité fraternelle qui lui permet de se fondre dans le décor et d’en rapporter la quintessence de ce qui n’est pas visible à tous. Il a su donner un mouvement subtil à ce temps arrêté ».
Simon Njami
Extrait de la post-face « Frozen Time » au livre Obia aux éditions Kehrer
EXPOSITION
Obia de Nicola Lo Calzo
20 mai – 20 juin 2015
Galerie Dominique Fiat
16, rue des Coutures Saint-Gervais
75003 Paris
EVENEMENT
Signature du livre Obia
Photographies de Nicola Lo Calzo
Editions Kehrer
Vendredi 12 juin 2015 à 18h
à la Galerie Dominique Fiat
16, rue des Coutures Saint-Gervais
75003 Paris