Pour la première rétrospective de l’ensemble de l’œuvre de François Kollar, les commissaires d’exposition Pia Viewing et Matthieu Rivallin ont pris le parti de conjuguer son talent photographique au progrès, à l’évolution de la France industrielle.
Photographe immigré, né Frantisek Kollar en 1904 dans une Slovaquie sous domination Hongroise, il va travailler en France et pour la France. Il sera tout d’abord tourneur aux usines Renault de Boulogne-Billancourt, « c’est à ce moment qu’il rencontre la matière, la machine ». Mais passionné par la photographie, il rêve de devenir photographe. Il acquiert une expérience chez un imprimeur, puis ouvre en 1930 son studio à Paris. Fernande son épouse sera son premier modèle et sa plus fidèle collaboratrice.
L’exposition est introduite par un agrandissement du « Porteur de Rail », un clin d’oeil à ce même agrandissement géant, présenté au Pavillon Français pour l’Exposition Internationale de New York en 1939. Cet impressionnant portrait en contre-plongée, symbole de la puissance de l’ouvrier, nous renvoie à la sculpture de « L’ ouvrier et la Kolkhozienne » de Vera Moukhina présentée à l’Exposition Universelle de Paris en 1937. Fut-elle une source d’inspiration pour lui qui fut cheminot dans son pays natal? C’est ici une bonne entrée en matière.
En mixant le travail documentaire de François Kollar au contexte historique, les commissaires nous font découvrir un photographe « qui était toujours au service de… », nous dit Pia Viewing. Il répondait avec précision, excellence et beauté aux commandes publicitaires, industrielles et de mode. Un photographe qui côtoie le haut et le bas de l’échelle sociale française, caméléon qui s’adapte à son environnement, hormis pendant la seconde guerre mondiale où il se retire avec femme et enfants dans le Poitou.
Les trois grandes parties de l’exposition nous montrent avec chronologie un photographe qui expérimente, utilise le photomontage, la solarisation, des jeux d’éclairages. Il tire parfaitement ses images. Notez les nuances de gris, les noirs profonds et les ciels nuageux qu’il dramatise.
L’ensemble procure une sensation à la fois de force et de douceur. Force et douceur ressentie également dans la relation « corps-machine » qu’il connait bien et qu’il nous fait deviner à travers ses images composées au cordeau (même après recadrage en laboratoire).
De 1931 à 1934, il réalise la plus grosse commande photographique de l’époque pour rendre compte de la notion de travail en France. C’est par cette commande qu’il devient le « Kollar industriel ».
Puis vient ensuite un grand reportage commandé par L’Agence Economique des Colonies ou encore ces photos pour le luxe et la mode avec lesquels il entretient une relation pendant près de quinze ans.
La scénographie dans les trois grandes salles, qui par moment souffre d’un manque de lumière, s’agrémente de nombreux documents, (fascicules, magazines, albums personnels) et d’un grand diaporama. Les salles déclinent en trois couleurs, blanc, gris/bleu et beige clair, la pédagogie des commissaires.
Le beige final est particulièrement intéressant car il fait presque disparaitre l’encadrement en bois, ce qui intensifie le noir et blanc magique de Francois Kollar.
La force de ce photographe, au-delà de sa dimension documentaire, est de nous proposer un « voyage » d’où jaillissent du mur des pépites photographiques comme « Les enseignes lumineuses », « La bouche du tunnel », « La fabrique à papier », les publicités pour Hermès, Chanel, et bien d’autres photographies qui, j’en suis sûr, entreront en résonance avec le visiteur.
François Kollar est un photographe qui ressemble à ses images, un peu mystérieuses, belles et discrètes, comme cette petite photographie d’un fleuve aux alentours d’Abidjan, « Un ouvrier du regard » qui porte la noblesse des hommes partis un jour loin de chez eux pour gagner leur vie.
EXPOSITION
Francois Kollar, Un ouvrier du regard
Du 9 février au 22 mai 2016
Jeu de Paume Paris
1 place de la Concorde
75008 Paris
France
http://www.jeudepaume.org
LIVRE
Francois Kollar, Un ouvrier du regard
Editions de La Martinière / Jeu de Paume
22 x 19,2 cm, 192 pages
Publication bilingue Français / Anglais
ISBN : 9782732477213
32€
http://www.editionsdelamartiniere.fr