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Paris : David Goldblatt

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Les marches imposantes de ce qu’on devine être un grand bâtiment public portent le message poignant des femmes sud-africaines lorsqu’elles marchèrent en 1956 à Pretoria pour l’abolition des “laissez-passer” auxquelles elles étaient soumises. Le mémorial de cette marche vaine à l’époque a été inauguré en 2006. C’est sur cette image que s’ouvre l’exposition du Sud-Africain David GoldblattStructures of Dominion and Democracy, à la galerie Marian Goodman Paris.

David Goldblatt, 84 ans cette année, immense photographe et grand chroniqueur de l’Afrique du Sud, a toujours intimement lié les gens aux lieux de mémoire, de vie, de travail : les déracinés de l’apartheid avant leur déménagement suite à l’adoption de la loi Group Areas Act, les travailleurs noirs dans les vastes mines sud-africaines, les commerçants dans leur boutique, les petits Blancs chez eux, les villas des grands bourgeois, les intérieurs misérables de Soweto, les criminels sur les lieux de leurs exactions…

Sont ici montrées les architectures, les structures, leur impact sur la mémoire collective du pays. Des lieux, paysages, immeubles, monuments, comme symboles, révélateurs et métaphores d’une société sud-africaine à la fois complexe et dynamique, marquée par l’histoire. Vingt-cinq photographies, dont deux en couleurs prises pendant l’apartheid des années 80 et 90 — qui ont été présentées au MoMA en 1998 lors d’une exposition intitulée South Africa: The Structure of Things Then —, puis de 1999 à aujourd’hui, une fois la démocratie réinstallée : d’où la domination et la démocratie du titre de l’exposition. David Goldblatt explique sa démarche dans Structures (publié à l’occasion de l’exposition Home Land, The Market Theatre Gallery, Johannesburg, 1987), repris dans le communiqué qui accompagne l’exposition : « Beaucoup de nos édifices en disent long, avec une transparence et une clairvoyance extraordinaire, non seulement sur la qualité de l’existence et les besoins, les prétentions, les désirs, les peurs de ceux qui ont construit et qui utilisent ces édifices, mais aussi, bien souvent, sur les croyances vitales et les idéologies auxquelles les vies sont subordonnées ici. »

Au rez-de-chaussée donc, les images de la démocratie renaissante, entre réminiscence du passé et reconstruction. Aux côtés du mémorial aux femmes, la colonnade de la place Walter Sisulu de la Consécration à Kliptown, Soweto et les vendeurs de rue qui la flanquent. Le texte qui l’accompagne dévoile l’échec de cette construction récente, inutilisée, à rapprocher les communautés de Kliptown et Soweto. L’image saisit la vie qui s’est installée à son pied, indifférente au grand dessein de la structure. Ailleurs, dans un paysage désert, se dresse la pyramide d’un mémorial aux morts du sida à Cape Town, ou encore, la “Thinking Stone” de l’université of the Free State à Bloemfontein, une masse de granit couverte de textes, érigée en 2007 pour promouvoir le respect des différences culturelles après un incident qui opposa les étudiants afrikaners aux employés noirs.

Comme toujours chez David Goldblatt, la force évocatrice et la beauté des photographies n’occultent pas leur passionnant aspect documentaire. Les nuances des gris, les couleurs atones révèlent plus qu’elles n’accentuent, mettent en valeur à la fois la composition magistrale et les sujets.

Au sous-sol, les photographies plus anciennes des structures de la domination. On peut y voir, entre autres, un employé de maison noir dans l’ombre noire sous laquelle il s’abrite, ou une église réformée hollandaise, construite en 1984 à Johannesburg : deux images d’une puissance graphique saisissante. Comme la photo, prise en 1982, de cette place qui réunit un monument à la république d’Afrique du Sud, la statue d’un Premier ministre et le siège d’une banque à Pretoria, ou celle, de 1973, d’un arrêt de bus devant un étalage de pommes de terre. La vie derrière la structure ou, comme le dit de la série l’écrivain Nadine Gordimer, « une extraordinaire histoire visuelle d’un pays et de ses habitants ».

EXPOSITION
Structures of Dominion and Democracy, de David Goldblatt
Jusqu’au 18 octobre 2014
Galerie Marian Goodman
79, rue du Temple
75003 Paris 

http://www.mariangoodman.com

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